Nous sommes en 1987, dans la charmante petite ville de Kanazawa. Autour des célèbres jardins de la ville, dans une immense demeure, vivait une jolie jeune femme se prénommant Eden Akishino. Très intelligente, âgée de 24 ans, ses longs cheveux roux ondulaient pour descendre en cascade sur ses épaules. Sous ses belles lunettes rondes, on pouvait apercevoir ses tendres yeux verts brillant joliment au soleil. Sur ses petites joues rougies par la lumière, se trouvaient de petites taches de rousseurs. Elle ne ressemblait en rien à une japonaise. Son teint beige n’était pas poudré de blanc, ses cheveux roux n’avaient pas été teints en noir ainsi que ses yeux dont la couleur ne ressemblait aucunement à du brun foncé, mais à du vert menthe. Les seules choses qui la liaient directement au Japon étaient le japonais, son domicile et sa famille. Elle était née dans une famille royale, en conséquent, à l’âge de 6 ans, Eden devint princesse de Kanazawa. Ses parents, très ouverts d’esprit, laissaient leur fille aller sans problème à des échanges linguistiques aux États-Unis. Eden y allait régulièrement.
Un jour, lors de l’un de ses nombreux voyages en avion, une chose effroyable se produisit. Alors qu’Eden lisait un livre, assise confortablement sur un siège passager, elle sentit une violente secousse, mais habituée aux turbulences, elle l’ignora. Puis un second choc, elle commença alors à avoir un mauvais pressentiment. Après le 3ème choc, la voix du copilote se fit entendre dans tout l’avion. Il annonça avec une voix paniquée :
- Mesdames et Messieurs, Veuillez rester calme. Nos hôtesses viennent de nous informer qu’un crash éventuel pourrait se produire dans quelques minutes. Si cela s’avérait vrai, vous devez vous tenir prêt face à ce danger.
Il répéta ceci extrêmement vite en anglais, en japonais et en espagnol. Les paroles du copilote résonnaient dans la tête d’Eden. Elle se demandait si elle passerait le dernier instant de sa vie à tomber dans le vide à cause d’un crash d’avion. Elle arrêta relativement vite de penser à sa potentielle mort et regarda le moteur droit avec attention. Eden le vit prendre feu, puis en regardant à gauche, elle remarqua que le moteur gauche ne se portait pas mieux que le droit. A présent, l’appareil aérien tombait dans le vide de plus en plus vite. Placée à l’arrière de celui-ci, Eden et environ 5 autres passagers, virent la partie avant de l’avion s’arracher de la partie arrière. Ainsi, elle demeurait assise dans la partie inférieure d’un avion, sans pilote. Les 5 passagers présents rassuraient un peu Eden, mais à part elle, personne n’avait pensé à rattacher sa ceinture pendant l’annonce du copilote. Plus que quelques mètres la séparaient encore du sol. Elle vit les mares de sang entourant les cadavres des passagers et du personnel de l’avion.
Elle ferma les yeux et repensa à sa famille une dernière fois, puis s’écrasa sur le sol américain... Pendant ce temps, à San Diego dans l’hôpital La Jolla, travaillait Thaïs Anderson, un infirmier âgé de 25 ans très compétant et intelligent. Ses cheveux châtains arrivaient jusqu’à ses oreilles. Sa peau métisse se confondait avec ses cheveux. Aussi bruns que du bois, ses yeux reflétaient sa bonne humeur. Si on pouvait décrire à quoi ressemblerait un latino-américain, on le décrirait sans le savoir. Il s’occupait principalement des personnes plongées dans le coma ou en phase terminale du cancer.
Thaïs, en pause midi, regardait les accidents graves s’étant produits plus tôt dans la journée. Voyant qu’il eut un crash d’avion, il cliqua sur le site en question par curiosité. Il lut dans l’article concernant ce fameux crash :
“Une femme, âgée de 24 ans, réussit à survivre en tant que seule rescapée. Elle sera rapidement transportée en hélicoptère vers l’hôpital La Jolla à 12h30 environ. Nous veillerons que la jeune femme soit saine et sauve.”
Thaïs regarda sa montre, 13h. Il ne voulait que voir dans quel état serait cette survivante. Il se précipita aux urgences et demanda impatiemment à l’accueil :
- Bonjour, avez-vous vu une jeune femme d’environ 25 ans venue ici en urgence vers midi ?
- Bonjour, un instant s’il vous plaît. Elle se retourna et questionna sa collègue. Elle me refit face et me répondit : Oui, vous pouvez la voir dans la chambre 113.
Il ne prit même pas la peine de lui répondre qu’il alla déjà voir la femme qu’il recherchait. Il ouvrit la porte de la chambre concernée et vit la femme allongée sur un lit. Sur le bord du lit était marqué “ Eden Akishino, coma artificiel ”. Il connaissait son nom, Eden. Le jeune homme regarda son visage. Elle était belle, si belle. Une question vint soudainement à l’esprit de Thaïs : Pourquoi personne ne paraissait être venue lui rendre visite, surtout suite un accident aussi grave ? Il ne voulait pas la laisser seule. Il vint de nouveau le lendemain, le surlendemain, pour finir ce fut tous les jours qu’il vint. Plus il passait de temps avec elle à lui parler, à lui raconter des histoires et à s’occuper d’elle, plus il la trouvait belle. Il espérait de tout cœur qu’elle se réveillerai. Au bout d’un mois, quand il venait la voir, il avait des papillons dans le ventre et lui parlait comme s'ils se connaissaient depuis longtemps. Un an et quelques jours que Thaïs venait voir sans arrêt Eden et il était tombé amoureux d’une femme qu’il ne connaissait même pas.
Pendant son coma, Eden rêvait d’une gare. Elle avait le choix, soit elle prenait un train vers la lumière blanche, soit un train vers de brouillard dont elle ne voyait pas le fond. Elle distinguait la voix d’un homme, en direction du brouillard, qui lui parlait régulièrement. Ce qu’elle pensait être des secondes étaient des jours, les minutes étaient des mois et les jours étaient des années. Au bout d’un jour et quelques secondes, de ce qu’elle pensait, elle choisit de suivre d’où venait la voix.
Soudain, Eden se réveilla alors que Thaïs était en train de dialoguer. Les médecins alertés de son réveil coururent vers sa chambre et l’examinèrent. Les yeux d’Eden fixaient le jeune homme dont elle n’avait qu’entendu la voix. Tombant rapidement amoureuse, dès que leurs regards se croisèrent, elle tomba amoureuse. Thaïs l’était déjà. Après être sortie de l’hôpital, le jeune homme n’attendit pas pour l’inviter à manger. Le temps passait et les deux adultes tombèrent amoureux sans qu’ils ne s’en aperçoivent. Ils se connaissaient à présent par cœur. Lors d’une longue discussion, Thaïs l’interrogea :
- D’où venais-tu avant de te crasher en avion ?
- Kanazawa, c’est au Japon, lui rétorqua-t ’elle en essayant d’esquiver le sujet.
- J’adore cette ville. Et en fait, reprit-il, pourquoi personne à part moi n’est venu te voir ?
- Je te le dirai mais pour le moment j’aimerais que tu m’apprécies pour ce que je suis, pas ce que je dois être, lui dit-elle philosophiquement.
- Je ne t’apprécie pas, je... je t'aime. Plus je te parle, plus je tombe amoureux...
- Je dois t’avouer que moi aussi, dès que je t’ai vu, j’ai su que c’était toi...mon âme-sœur.
A ce moment, ils échangèrent leur premier baiser, un baiser d’amour sincère. Après quelques jours, Ils se mirent en couple. On pouvait voir l’amour passionnel et sincère qu’ils se portaient. Deux ans d’amour, deux ans de rires, Thaïs redemanda à Eden :
- Chérie ?
- Oui ?
- Il y a 2 ans, je t’ai demandé pourquoi personne n’était venue te voir. J’aimerais avoir la réponse. Alors ?
Eden baissa la tête et devint gênée par cette question. Il ne comprenait pas pourquoi cette question était un point sensible.
- OK, assieds-toi.
Thaïs, têtu, s’assied étonnement sans protester.
- Je suis née dans la famille Akishino, comme tu t’en doutais. C’est une famille royale. Ma mère est morte à mes 3 ans d’un cancer des poumons. Tandis que ma sœur, Cassy a été couronnée reine à ses 12 ans, j’ai été désignée comme princesse à mes 6 ans. Je suis entièrement japonaise. Mon père et ma soeur m’ont toujours dit de me marier avec un japonais pour respecter ma culture. Je m’en fichais avant, mais je t’ai rencontré. J'ai toujours eu et j’ai toujours le choix. Soit je renonce à mon titre et je serais vue comme une simple touriste aux yeux de ma famille, soit je devrais te quitter et faire comme si rien ne s’était passé entre nous mais je serais certainement malheureuse avec un mariage arrangé. Je pense déjà avoir choisi...
- Attends, attends, je suis en train de digérer toutes ces informations. Hein ?! Tu as choisi quoi ? répondit-il en espérant qu’elle le choisisse, même s'il comprendrait qu’elle choisisse sa famille.
- Si j’avais choisi ma famille, je t’aurais déjà quitté contre mon gré. Montre-moi que ce n’était pas un mauvais choix.
Thaïs s’agenouilla devant Eden une boîte dans les mains. Eden n’avait pas tout de suite compris, mais quand il l’ouvrit, elle commença à pleurer de joie. Thaïs lui demandait sa main. Elle accepta de suite en voyant la bague. Trois mois plus tard, ils étaient mariés. Au final, cet amour était le fruit du hasard et d’un peu chance.
Et vous, croyez-vous aux âmes-sœurs ? Dans tous les cas, ce monde nous réserve bien des surprises, qu’elles soient mortelles ou accidentelles.
Ahh… le bon vieux temps, cette chose indescriptible qui est dans chacune de nos vies à chacune des secondes passées. C’est fou qu’il soit là tout le temps, et partout. Rien que de me le dire, ça me perturbe. J’ai souvent voulu lui donner une définition, à ce temps, mais j’ai à chaque fois échoué. De la même manière que j’ai échoué à le dompter ou tout simplement à le comprendre. Il ressemble a un cassé-tête indéchiffrable créé juste pour embrouiller nos cerveaux. Je n’ai jamais vraiment eu la notion du temps mais j’ai passé des heures à l’observer pour essayer de me le représenter. Un échec cuisant ! Néanmoins j’ai remarqué que ma vision de celui-ci était quelque peu différente de l’ordinaire…
Avant-garde : si vous vous demandez pourquoi vous n’avez pas (forcément) pensé à ce que je vais tenter d’interpréter, (oui parce que j’ai du mal avec les explications), c’est normal, hein ! Et franchement c’est sûrement mieux pour vous car ça me prend la tête ! Ah et j’ai écrit ce texte en plusieurs fois, ce qui montre ma vision des choses selon mes émotions. L’écriture m’aide à exprimer ce que je n’arrive pas dire. Cela veut aussi dire qu’il est très personnel, alors forcement ça me stresse un peu.
Au début, je ne me suis pas rendue compte que j’observais le temps. Mon regard se posait sur mon entourage, qui évoluait au fils des années. Cette sensation est particulière, mélangée entre le bonheur de voir les personnes s’accepter et devenir plus matures et entre la tristesse de voir que mes relations avec elles vont complètement changer et à jamais. Je me suis aussi vu grandir, mais sûrement de manière plus subjective. Ça c’est vraiment flippant ! Nan mais c’est vrai, quand on y pense ! Je suis passée de l’âge ou la vie était en rose, à maintenant, où je vois la (trop) dure réalité du monde dans le quel je vis. Avant, mes plus grandes préoccupations étaient mes amis, mes peluches ou encore mes “Lego friends » et ma plus grande peur était de me faire gronder par ma professeur. Et puis j’ai commencé à comprendre des choses ; d’abord les moqueries, les engueulades, la solitude, puis les problèmes de famille, le dérèglement climatique, certaines de mes différences. Et je me suis retrouvée là, plantée devant ce qu’était vraiment le monde avec comme seule arme, euhhh pas grand chose. Je crois que c’est allé très vite chez moi, et je n’étais pas du tout préparée à ce choc. Mais j’ai fait avec, comme tout le monde, et j’ai fini par comprendre les codes de la société : des choses toutes bêtes mais qui ne me correspondaient pas. Dans le même temps, j’ai vu des amis partir. Malgré tous mes efforts pour leur ressembler, il fallait admettre que le temps nous séparerait un jour et qu’on n’avait pas les mêmes chemins à prendre. Je crois que c’est à ce moment que j’ai vraiment compris deux choses : que j’étais différente et surtout que le temps passait… (et vite en plus !)
Comme je vous l’ai dit avant, je n’ai pas vraiment la notion du temps. Comme beaucoup, les cours me paraissent super longs, et la fin d’après-midi, réduite par les devoirs, passe super vite. Ce qui me fait rire, c’est que je n’arrive déjà pas à gérer ma semaine et on me demande comment je vais les gérer pour les 10 prochaines années ! Je suis quelqu’un qui veut faire beaucoup de choses mais je n’ai pas l’organisation pour. Les gens disent que je devrais avoir des jours de 60h ou trois vies. Il n’ont pas tort, je veux tout faire, tout découvrir. Je ne veux renoncer à rien même si c’est impossible. Pour moi, choisir c’est se priver de quelque chose. Alors je me mens à moi-même, en remplissant mes journées de 30’000 trucs à faire. Je mets ce qui me plaît le moins à la fin (les devoirs par exemple) et finalement j’en fais une partie la nuit. Pour l’instant j’arrive à gérer mais je sais très bien que je ne pourrais pas faire ça toute ma vie. Ça me saoule et je mets la faute sur le temps même si c’est la mienne…
« Le temps nous paraît si simple, pourquoi est-il comme ça ? Il passe si vite dans les bons moments et il ralentit soudainement dans les mauvais. Pourquoi décide-t-il de s’arrêter à 1h du mat quand j’ai cours demain? Je sais que ce n’est qu’une illusion. En réalité, c’est de ma faute si je ne dors pas, si je suis en retard, ou simplement si je n’arrive pas à gérer mon temps. Il est si difficile à dompter pourtant on croit toujours y arriver. En oubliant qu’il a toujours un temps d’avance sur nous. »
Bref, j’espère qu’un jour j’arriverai à trouver un juste milieu entre une bonne organisation et un nombre d’activités raisonnable.
Je n’ai jamais la même vision du temps. Il change en fonction des événements vécus, certains étant plus marquants que d’autres. La vie ne laisse aucun retour en arrière, aucun « commande Z ». C’est à nous d’accepter ce qui est arrivé peut importe la gravité de la situation. Ces passes désagréables où l’on se retrouve désemparé face à la vie. La seule solution est d’attendre que ça passe, qu’on aille enfin mieux. Un des rares moments où j’ai vu le temps prendre son temps, lui qui court d’habitude si vite.
Le temps nous aide et apaise finalement la douleur. Une douleur poignardante, étouffante, qui nous laisse meurtris. On appelle ça le deuil, quel nom étrange… il n’y en pas qu’un. Celui auquel on pense est le deuil d’une personne. Il est dur celui là, nous ensevelissant sous une tristesse intense. Il nous empêche de respirer sans pause jusqu’à que la douleur s’adoucisse.
il y a aussi le deuil d’événements plus ou moins traumatisants. Celui-là, je le vis par phases. Il est supportable jusqu’à qu’on se rappelle qu’il a existé et qu’il se ressent dans nos comportements. Une de ces fois, où je me suis rappelée de la douleur d’un de ces événements j’ai écrit ça :
“ On nous dit souvent qu’avec le temps ça ira, mais le temps n’est pas plus fort que la mémoire. J’y ai longtemps cru, à ce mythe , mais plus je me familiarise avec le temps, plus je réalise à quel point il est faux. Le temps nous rend sûrement plus forts, plus réfléchis, mais il ne nous fait pas oublier. Je fais depuis longtemps une course poursuite avec mon passé. Mais dans cette course au bonheur, à chaque fois que je trébuche, il me rattrape et me frappe plus violemment que jamais. Je n’échappe à aucun souvenir. Chacun d’eux est comme un coup. Les plus anciens reviennent à chaque fois, additionnés à tous les nouveaux. Parfois j’ai l’impression que ma vie sera un éternel combat : remonter lentement la pente, puis soudain rechuter, encore et encore...
J’arrive à me rattraper à la dernière seconde, mais tout est à recommencer… face à cette énorme
pente, si longue à gravir ! Tout ces efforts valent-t-ils la peine ? »
Avec le recul, je remarque qu’en fait ça va… ma vie n’est pas simple mais ça ne m’empêche pas qu’elle soit incroyable. Tous les événements vécus font de nous la personne qu’on est. Parfois, j’aimerais bien changer mon passé puis je me dis que ça n’est pas arrivé pour rien.
Peut-être quand lisant ce texte vous aurez compris que j’ai peur du temps. Je m’enferme dans le passé quand je ne suis pas en train de planifier tout mon avenir. J’en oublie la seule chose que je peux vraiment faire : vivre dans le présent. (Mais bon, entre nous, c’est moins risqué de rester dans sa tête). Plus sérieusement, j’ai du mal à me dire que je ne pourrai pas changer mes actions, mais j’apprends tous les jours.
Aujourd’hui je fais au mieux ; je prends le temps de faire ce qui me plaît (ou du moins j’essaie) sans penser à tout ce qui m’en fait perdre. Je me détache lentement du regard des autres pour me consacrer à ce qui m’importe vraiment ! Je remercie d’ailleurs mes amis et ma famille qui me font passer de super moments et oublier que le temps passe !!
The end
Assis à table, la tête appuyée sur ses mains, il est paisiblement entrain de rêver quand soudain... il sursaute !
- Chéri, tu t’es encore endormi ! Bon, tu peux aider Agathe pour son devoir de géographie s’il te plaît ?
- Hein..., quoi... ? dit Alexandre. Ah..., oui bien sûr ! Allez, viens ma puce on va travailler.
- Alors tu vois là, il faut faire un graphique et noter le taux de la population rurale, la population urbaine et la population mondiale.
- Ah, mais c’est juste ça ? dit Agathe.
- Oui exactement ça !
- Cool, merci papa, maintenant je peux aller jouer ! s’exclame la fillette.
- Eh, attends c’était ton dernier devoir ?
- Oui ne t’inquiète pas !
Et smack elle lui dépose un bisou et s’en va.
Alexandre a 44 ans. Il est père de deux enfants ; Agathe 8 ans et Julien 3 ans. Marié à Stacy, ils vivent dans une belle petite maison en bord de mer.
Alexandre est de nature impatiente et curieuse. Il aime beaucoup son travail, sa maison, sa famille mais depuis quelques temps il semble très pensif. Il semble surtout intéressé par la mort. Comme il est vraiment impatient, il cherche à tout prix un moyen d’aller dans le monde des morts pour assouvir son désir de curiosité, mais ça il ne l’a raconté à personne. Il cherche, il cherche mais ne trouve pas de moyen pour atteindre son but. Alors il décide de se concentrer sur la vaisselle.
Une fois, cette tâche terminée, il peut se remettre à chercher une idée pour trouver comment aller dans le monde des morts. “Ça y est ! Mais qu’est-ce que je suis bête de ne pas y avoir pensé plus tôt”, se dit-il. Il irait à la droguerie acheter des cachets pour se suicider. Le seul problème est qu’il ne doit pas se faire remarquer. Alors l’unique moyen d’y arriver est de trouver une excuse puis de la donner à son boulot et à sa famille. Ainsi il crée un faux mail sur son ordinateur et se l’envoie à lui-même. Puis, il dit à sa femme :
- Chérie, j’ai une mauvaise nouvelle à t’annoncer ! Je dois partir en voyage pour le boulot avec toute mon équipe.
- Oh non !!!!!! Et c’est quand ??
- Vendredi...
- Quoi !??! s'égosille Stacy. Mais on est mardi, donc c’est dans trois jours !!! Oh mon dieu.
Le lendemain matin, il part au travail et tout ne se passe pas comme prévu.
- Monsieur Pétricor, votre employé Monsieur Alexandre Keller veut vous parler, dit un secrétaire.
- Eh bien, faites-le entrer !
- Bonjour monsieur Pétricor, je voulais vous parler d’une chose...
- Eh bien, je vous écoute !
- Je vais partir en vacances avec ma famille.
En disant ces mots Alexandre a des gouttes de sueur qui coulent sur son front car il sait que son chef réagira mal.
- Eh bien... dit-il en étant plongé dans ses pensées, mais... attendez..., quoi ???!!!? Non ce n’est pas possible vous êtes mon meilleur employé !
- Je sais mais je ne peux pas décevoir ma femme, vous la connaissez !
- Eh bien si c’est pour le bien de votre famille, alors déguerpissez que je ne vous voie plus jusqu'à votre retour ! Déjà que je vous vois dans mes rêves, alors là je vais vous voir partout !
- Ah ok... bon, alors au revoir monsieur.
- Au fait, vous partez combien de temps ???
- Euh... pendant, pendant...
- Pendant ??? Eh bien répondez-moi enfin !
- Pendant un ou deux mois, au revoir monsieur.
Il s’enfuit et s’en alla à la droguerie, mais... horreur, il croise sa femme, donc vite il se dépêche de courir à la boulangerie d’en face. Mais trop tard ! Elle l’a vu, alors il prend un air décontracté et lui dit bonjour avec un sourire forcé.
- Bonjour mon chéri, tu n’es pas au travail ?
- Heu non, j’ai ma pause, dit-il embarrassé.
- Bah dis donc, elle est tôt aujourd’hui !
- Ah oui je n’avais pas remarqué. Bon j’y retourne. Bye !
C’est raté pour la droguerie mais il y retournera après.
Quelques heures plus tard, après avoir attendu sur un banc, il achète ses cachets et il rentre à la maison.
A peine arrivé, il range les médicaments dans le double fond de son tiroir de table de chevet.
Tout excité d’avoir réussi sa mission, il est impatient d’être vendredi pour tenter cette expérience.
Pour ne pas éveiller les soupçons de sa femme et de son chef, Alexandre doit vagabonder dans la ville tout le mercredi, le jeudi et le vendredi.
Vendredi soir, lors du repas, une cuillère d’épinards bien posée dans l’assiette de Julien, son fils, voltige soudainement durant quelques secondes et atterrit sur le père de famille abasourdi tellement il est perdu dans ses pensées. Ce petit choc est l’excuse parfaite pour lui. Il se lève, prétexte l'urgence du départ et, après avoir embrassé sa femme et ses enfants, part soit-disant en voyage.
En réalité, Alexandre roule quelques heures jusqu’à la piscine municipale qui est fermée. Il connait bien cet endroit et n’a pas trop de mal à trouver une entrée clandestine à l’arrière du bâtiment. Son plan est de vivre son expérience au calme dans ces vestiaires familiers.
Après une longue réflexion, ce qui n’est pas habituel pour lui, il prend rapidement ses cachets et s’endort avec un gros mal de tête.
Peu de temps après, il se réveille dans un endroit tout blanc et inconnu. Il se lève et marche longuement. Soudain, à bout de force, il aperçoit un point coloré. Il s’y approche et entre dans un tunnel lumineux.
Une voix lointaine et résonnante retentit. “Bonjour Alexandre, tu te trouves en ce moment dans cet espace mystérieux entre la vie et la mort. Tu as deux possibilités mais un seul choix. Soit tu reviens en vie, soit tu entres dans le monde des morts. A toi de choisir, mais choisis bien car cela sera irréversible.
- Alors moi je ne veux aucune de tes possibilités la petite voix ! Moi, ce que je veux c’est expérimenter ton monde pendant un mois, dit-il de manière assurée.
- Je suis désolée mais ce ne sera pas possible car c’est soit l’un soit l’autre.
- Mais je m’en fiche que ce ne soit pas possible ! Au pire tu fais une exception.
− Très bien. Je vais t’envoyer dans le monde des morts mais ne viens pas pleurnicher dans ma tunique si tu le regrettes.”
Et “zwouip”, il se retrouve dans un monde étrange.
Après qu’un jeune homme lui ait attribué un logement, il s’affale sur son lit et s’endort ravi d’être dans un monde inconnu et assoiffé par l’aventure.
Le lendemain matin, il se lève tôt pour profiter de la journée. La première chose qui le choque est l'absence de soleil. Alors il sort le carnet dans lequel il a prévu de noter tout ce qui est différent que dans son monde et y note “Dans le monde des morts, il n’y a pas de soleil.”
Ensuite il commence à découvrir avec émerveillement les bâtiments typiques. Il croise son grand-père Jacqui qui l’invite à boire le thé et lui explique le fonctionnement de la ville. Il mange des burgers transparents et rigole car il voit le thé transparent couler dans l’œsophage de Jacqui lui-même transparent. Après une journée aussi fatigante que palpitante, il décide de se payer un restaurant.
La semaine suivante il n’a toujours pas fini de visiter l’étrange monde. Alors il étudie un plan des églises et s’y rend. Il n’a pas mis un seul pied dans l’église Ellabroyère quand on l’arrête.
- Mais monsieur je n’ai rien fait !
- Oui, je sais mais on ne peut pas vous laisser passer car notre job c’est d’arrêter tous les gens qui ne sont pas transparents, dit le garde.
- Je suis désolé mais je suis nouveau et je ne savais pas.
- Ok, c’est bon pour cette fois.
“Drôles de types”, se dit-il.
Alexandre pénètre dans l’église. Là il découvre que les morts n’ont pas de religion. Il s’assied sur un banc et s’assoupit. Une heure après, il se réveille et rentre chez lui. Les jours suivants, il passe son temps à visiter d'autres églises.
Pendant ce temps, Stacy, Agathe et Julien poursuivent leur routine.
Un matin, la femme d’Alexandre passe devant le bureau de son mari. Elle voit que tous les employés de l’équipe sont à leur poste. Éberluée, elle entre dans le bureau et demande pourquoi ils ne sont pas en voyage.
Monsieur Pétri-cor arrive et, surpris d’entendre la voix de Stacy, demande à son tour ce qu’elle fait là alors qu’elle est censée être en vacances.
Après une longue discussion, ils se rendent au poste de police pour déclarer la disparition d’Alexandre.
Un mois après, dans le monde des morts...
Alexandre est dans son lit et il crie de toutes ses forces !
- Bon... la mort ! C'est bon là, tu peux venir me rechercher ! Je ne voudrais pas trop manquer à ma famille.
“Écoute moi, jadis j’ai voulu te prévenir que tu ne pourrais plus revenir en arrière mais tu n’as pas voulu m’écouter. Donc ton sort est de rester ici jusqu'à ce que ton âme trouve un autre corps. Bonne nuit !”
Et la voix s’éloigne.
Alors une colère incontrôlable envahit sa gorge et il explose en sanglots.
Le temps lui semble long. Alexandre a le sentiment d’avoir véritablement terminé son exploration dans ce monde. Il déprime et, contre son gré, il revisite les églises qu’il a déjà découvertes. Cela lui permet de sentir proche de son fils qui est un passionné.
Malgré cela, il se sent mal et regrette amèrement son choix.
Sans savoir exactement comment, Alexandre tient le coup et, jour après jour, il se lève, s’habille, mange quelque chose et voit les jours défiler.
Quelques années après, la petite voix revient vers Alexandre et lui dit :
“Écoute Alexandre, j'ai beaucoup réfléchi et je pense que tout homme a droit à une deuxième chance. Alors j'aimerais juste que tu te rendes compte de la bêtise que tu as faite et j'aimerais que tu écoutes attentivement ces mots.”
...
“Le temps est le seul phénomène que l’homme ne peut pas contrôler, alors ne gaspille pas ton temps à vouloir changer le moment présent.”
“Ah, et j'ai oublié de te dire qu'une année dans le monde des morts représente 10 ans sur Terre. Cela veut dire que tu seras surement célibataire car ta femme a vieilli et t’a probablement oublié. Maintenant, file et ne fait plus de bêtises !”
L’homme remercie la mort et ne se fait pas prier pour déguerpir aussitôt.
Après un voyage de retour plein de sensations étranges, il se retrouve dans les vestiaires de la piscine.
Il rentre chez lui mais son ancienne maison est abandonnée.
Il décide de se payer un hôtel et le lendemain il erre dans les rues, vide et dépressif.
Une bouteille de bière à la main, Alexandre se rend dans l'église préférée de son fils.
Sur le chemin, il voit une vieille dame qui se dirige au même endroit que lui.
Il commence à la suivre et se rend compte qu’elle lui fait penser à son ancienne femme.
Quand il sort de l’église il pleut.
Sa fille aime tant la pluie !
En se remémorant ces vieux souvenirs, il jette à la poubelle sa bière et a un flash ; il court vers cette femme qu’il a reconnue, il la soulève de toutes ses forces en criant par-dessus tous les toits : “Stacy, c’est Stacy ! J'ai retrouvé Stacy !”.
Il crie, il pleure de joie et l’a fait tournoyer dans les airs. Elle aussi l’avait reconnu.
C'est vrai qu'elle a pris un coup de vieux mais… la pluie, elle, n’a pas vieilli…