Tout le monde pense que nous sommes les seuls êtres vivants de l'univers. Mais imaginez un peu, si notre planète n'était qu'une boule, la boule d'un jeu qui serait joué par des géants... Le sort de toute notre vie serait entre les mains d'une seule et unique personne. D'un claquement de doigt, elle pourrait nous faire mourir. Et maintenant imaginez que ce que je viens de vous dire soit vrai. Ça paraîtrait absurde... Mais c'est la vérité. En vérité notre planète est exposée dans une salle géante au-dessus d'une table. C'est la table des géants. Chaque géant a choisi un humain et lui dicte tous ses choix. Il peut lui faire faire ce qu'il veut. Quand un géant meurt, un autre naît pour le remplacer. Mais un jour, le géant d'un humain appelé Sam est mort et personne ne l'a remplacé. Alors au bout d'un moment Sam est tombé dans l'oubli. Donc Sam est resté au même endroit à ne rien faire et à ne plus bouger. Il est resté comme ça, pendant des mois et des mois. Mais un jour tout a changé. C'était le 1er décembre et comme d'habitude Sam était assis sur le canapé. Et soudain il a réussi à bouger. Vous allez me dire qu'un nouveau géant avait pris la place de l'ancien. D'ailleurs le point vert sur le tableau des présences de Sam avait disparu. Comme s'il n'était plus sous l'emprise du jeu. Et Sam commençait à se douter de quelque chose. Car même si avant, Sam ne pouvait plus bouger, sa conscience était restée intacte. Et il se souvenait avoir un livre dans sa bibliothèque sur une légende parlant de la table des géants. Alors il s'est mis à chercher l'entrée de leur monde. La tâche n'allait pas être facile... Sam supposait que pour s'y rendre il fallait aller dans l'espace. Il est donc parti au centre NASA des États-Unis. Son but : s'introduire clandestinement dans une fusée. Après un long voyage en avion Sam est enfin arrivé. Il alla vite récupérer sa valise et prit un taxi, direction la NASA. Pendant le trajet Sam s'endormit et quand il se réveilla il était arrivé. Devant lui il n'y avait qu'un manoir assez étrange. Aucune trace du chauffeur. À croire que les géants n’allaient pas le laisser pénétrer dans leur monde aussi facilement. Ne sachant pas où il se trouvait, Sam se dirigea devant la porte du manoir. Sur la porte le nom du manoir était inscrit en lettres rouges : Shadow Manoir. Bizarrement ce nom lui disait quelque chose. Un frisson lui parcouru l'échine. Malgré ça Sam toqua à la porte. Personne ne répondit. Sam insista. Et enfin une personne ouvrit. C'était un vieillard tout petit avec une lueur méchante dans le regard.
- Qu'est-ce-que tu veux ? grogna le vieux.
- Je, bégaya Sam, je me suis perdu et je cherche une personne pouvant m'indiquer la route qui mène à la NASA.
-Vous prenez la route du manoir et au premier croisement vous prenez la route cantonale, marmonna le vieux avec sa voix rauque.
Et il lui ferma la porte au nez ! Sam partit du manoir en courant et commença sa longue marche. Malgré le peu d'information donné par le vieillard, il réussit à trouver la NASA, fatigué mais heureux. Mais il n'était pas au bout de ses peines. Car devant la porte il y avait deux gardes de sécurité armés. Quand il aperçut Sam, un garde s'avança, menaçant.
-Hé, crie-t-il, tu fais quoi ici ? C'est interdit aux visiteurs. Rentre chez toi !
-Je, bafouilla Sam.
-Pas besoin d'explication, le coupe le garde. Fiche le camp !
Juste avant que le garde revienne à sa place, Sam lui prit le bras. Il essaya de prendre un ton hautain : « J'ai le droit de rentrer, je participe à une mission spatiale de Space X ».
Le garde se retourna et dévisagea Sam. Celui-ci se fit le plus grand possible et bomba le torse.
-Mouais, grogna le garde, on va dire ça, rentre vite avant que je ne change d'avis.
Après l'avoir remercié Sam s'engouffra dans le bâtiment. L'intérieur était tout propre et blanc comme dans une clinique. Il y avait plein de couloirs et de pièces. De quoi bien se perdre sans plan.
*
* *
Vingt minutes plus tard, Sam avait trouvé la salle pour l'embarquement. Il était rentré en disant qu'il remplaçait un certain Bill pour le lancement de Space X. Heureusement, on l'avait cru. Sam avait donc enfilé une combinaison et s'était rendu ensuite à la passerelle pour le décollage. Avec les autres astronautes, on leurs a fait un débriefing puis Sam a embarqué dans la fusée. Il s'attacha à son siège et le compte à rebours commença : 5,4,3,2,1 décollage ! Quand la fusée décolla, l'impact fut si brutal, c'était comme si un éléphant s'asseyait sur le ventre de Sam. Puis la fusée monta, monta. Après une demi-heure, il fit noir et au bout de vingt-quatre heures, ils avaient dépassé la station Space X. En attendant dans la fusée, Sam s'amusait. Il jouait aux cartes avec ses nouveaux amis. Mais soudain l'alarme sonna.
Vous allez trop vite ! Cria l’émetteur radio, Si on ne fait pas quelque chose vous allez cramer !
Sans réfléchir Sam fonça au poste de commande. Il appuya sur tous les boutons. Rien à faire, l'alarme sonnait toujours. Et soudain Sam appuya sur un petit bouton : l'alarme s'arrêta. Tous hurlèrent de joie.
*
* *
Au petit matin Sam fut réveillé par ses camarades, ils arrivaient près de Mars. La petit planète rouge se rapprochait dans le hublot. Une heure plus tard, Sam fut le premier homme à marcher sur Mars. Ayant atteint son but, il commença à chercher une sorte d'entrée. Il marcha, marcha et se retrouva à son point de départ. Il s'assit par terre, désespéré. Il y avait vraiment cru, à cette légende, et en fait tout ça était faux ! Il resta comme ça, abattu de longues minutes à se lamenter. Soudain quelque chose attira son regard : un cratère se trouvait juste devant lui. Et il n'avait pas encore pensé à regarder à l'intérieur. Sam marcha jusqu'à lui et se pencha au-dessus. À l'intérieur il y avait une sorte de trappe en bois. Intrigué, il l'ouvrit et tomba dans un gouffre immense. Après une longue chute qui lui sembla interminable, il atterrit sur un sol dur. Il était dans une pièce géante avec une grande table au milieu. Sur le côté figurait un poste de commandes, avec un écran plat accroché au-dessus. Sam en déduisit que le poste servait à commander les humains ; et que si on appuyait sur un des boutons ça exploserait. Il s'assit et commença à appuyer partout. En appuyant sur un des boutons l'écran se tintât de rouge et le mot danger apparut. Sam n’eut rien le temps de faire que la salle explosa. On ne retrouva jamais le corps de Sam mais grâce à lui tous les humains furent enfin LIBRES !
FIN
Comme il faisait beau ce matin. Je suis assis dans mon jardin gigantesque tout en regardant pensivement la rivière, derrière laquelle j'aperçois une biche. Mmmmh, mon repas de midi est théoriquement déjà servi. Je sonne ma clochette. Mon majordome vient avec le fusil. Je pointe du doigt. I! vise. L'animal se retourne. Un coup de fusil retentit. La bête tombe lourdement.
- À quelle heure Monsieur veut-il manger ? demanda:t-il.
- Comme d'habitude, Hugo, répondis-je d’un ton sec.
Ces petites interactions inutiles devenaient une habitude de mon domestique. Cela m'irritait. Je n'aurais pas dû m'énerver car il représentait la seule compagnie, à part mon vieux chien fidèle, George VIII, que j'avais dans ce vaste manoir.
Deux heures plus tard, je rentrai dans la salle à manger, affamé après un maigre petit déjeuner de bacon, saucisses, haggis, œufs, haricots cuits, toast et d'asperges. Je sentais l'odeur de la viande depuis ici. Hugo rentra soudainement avec le repas riche. L'homme pouvait poser des questions idiotes parfois, mais il était toujours à l'heure :
- Ah ! Bravo mon vieil ami, parfaitement cuit comme d'habitude ! complimentai-je en prenant un morceau de l'animal décédé avec ma fourchette.
- J'ai fait de mon mieux, Monsieur, affirma-t-il encore plus monotone que d'habitude.
Après une heure, je me levai brusquement :
- Du Golf, Hugo, je voudrais faire du golf cette après-midi !
- Monsieur veut-i jouer sur le terrain 1, 2, 3 ou 4 ?
- Le 2, comme d'habitude, murmurai-je en buvant le reste de mon porto.
- Oui, Monsieur, toute de suite, Monsieur, je prépare les clubs, récita-t-il machinalement.
C'était le seul terrain que j'utilisais, mais je gardais les autres pour les occasions spéciales.
Ils étaient entretenus, ainsi que mon jardin, par une vingtaine de domestiques qui habitaient dans un village à quinze minutes d'ici.
Je me rendis au terrain numéro deux, où Hugo attendait déjà avec mes affaires préparées.
- Monsieur a reçu une lettre de la part de Madame Farley, annonça-t-il.
- Ah ! Ma chère tante Myriam ! m'exclamai-je en ouvrant l'enveloppe. Elle veut nous rendre visite demain, c'est magnifique !
- Oui, monsieur, soupira-t-il d'un ton sceptique.
Hugo était juste fâché car ce serait lui qui allait devoir préparer à manger. Ma tante aimait manger.
Après quelques heures, j'arrivais à la fin du dernier green. La météo changeait, de vieux ogres moches et lourdes déambuler dans le ciel. La température baissait.
A la maison, je me changeais à nouveau. Le soir venu, je dégustais mon somptueux souper. Il pleuvait dehors et je me sentais étonnamment fatigué et triste. Je ne savais pourquoi ! Inquiet, je montai lentement les escaliers, en souhaitant bonne nuit à Hugo. Tendu, je m'assis sur mon lit. Après quelques minutes, je me levai, perdu dans mes pensées. Je me dirigeai vers mon miroir. J'observai un homme maigre, dans la vingtaine, devant moi, qui se tenait droit. Ses cheveux châtains brillaient légèrement sous la lueur ambre de ma lampe. Les oreilles légèrement pointues se perchaient des deux côtés de ses yeux verts scintillants. Son nez, presque trop grand pour son visage, était collé au-dessus d'une bouche aux dents parfaitement blanches. Il souriait. Je le connaissais. // était moi. En me retirant du miroir, je constatais, au plus profond de mon être, un sentiment de soulagement. Épuisé mais heureux, je tombai sur mon lit. Le coussin caressa ma tête, et je m'endormis.
Le lendemain, je me préparai pour la visite de ma tante volumineuse. À onze heures, je descendis pour la recevoir. Elle entra brusquement, habillée en une ample robe flamboyante, avec ses deux petits chihuahuas à son côté.
- Salut, Charrrrrles, j'ai pris des chocolats pour mon petit ours en peluche ! s'exalta-t-elle.
- Merci, tante Béluga (un de ses multiples surnoms) ! la gratifiais-je à contre-coeur et perplexe, car je détestais cet exotique aliment sucré depuis toujours.
- Hm hm, toussa Hugo, Monsieur veut-il que je les mette au froid ?
- Oui, oui, répondis-je en le regardant attentivement.
En prenant le chocolat de mes mains, il semblait avoir des yeux ternes, déconcentrés. Je me retournai ensuite vers Béluga. Je ne pus la confronter sur ses actes inhabituels, car elle commença à babiller d’affaires familiales. Je ne pus non plus m'échapper ; la conversation coulait d'elle en une cascade inextinguible.
Après un quart d'heure d'ennui, nous nous dirigeâmes vers la salle à manger où Hugo coupait des steaks. Ma tante se plaça sur ma chaise préférée. Surpris de son inattention, je la priai de s'enlever. « Désolé, chéri », s'excusa-t-elle avec légèreté.
Après quelques services de viandes, nous marchâmes jusqu'à la Bentley avec Hugo. Nous avions prévu d'aller au cinéma. Pendant le trajet, nous discutâmes de divers sujets. Arrivé à Oxford, nous constatâmes que le nouveau film semblait très populaire. Une foule se formait devant la porte d'entrée, Hugo gara vite la voiture avant de se précipiter vers le cinéma pour se procurer nos tickets. Ma tantine et moi nous plaçâmes vers l'entrée, mais, dans la foule, nous nous perdîmes de vue. Je cherchai partout, puis je l'aperçus « Béluga ! » criai-je. En tournant Vers moi, ses yeux vitreux regardaient sans me reconnaître. Avec un visage placide, elle se dirigeait lentement vers moi. Silencieuse, elle me regarda d’un air troublé, « Qui êtesv...» commença-t-elle avant de tousser violemment. Puis elle eut une expression de soulagement :
- Ah Charles, c'est toi !
- Ce serait qui d'autre ? m'exaspérai-je un peu d'inquiet.
- Oui, désolé, à mon âge on a tendance à avoir des petites fuites de mémoire.
Suite à ce curieux épisode, nous regardâmes le film : un chef-d’œuvre à mon avis. Après les deux heures, nous retrouvâmes mon majordome devant l'automobile de luxe. « Quelle heure est-il ?» questionnai-je, en m’arrêtant au bord de la route. Je ne reçus aucune réponse, sauf un regard perdu et un visage serein. « Hugo ! » me fâchai-je.
- Pardon, Monsieur pourrait-il me répéter sa question ?
- Répéter ? clarifiai-je livide, quelle heure est-il ?
- Dix-sept heures, Monsieur.
D'un geste abrupt je lui indiquai de démarrer la voiture. Il hocha la tête nonchalamment, et après que je me fus installé confortablement à côté de ma vieille parente, il commença à rouler. Nous ne parlâmes pas pendant le voyage du retour.
A la maison, nous nous réfugiâmes dans le salon où les fauteuils en cuir nous invitaient à nous asseoir avec nos verres de whiskys. Mimi, retrouvant ses habitudes, s'était. mise à raconter une histoire ennuyeuse et moralisatrice sur un immigrant indien qui était devenu gravement malade lors de la consommation de l'alcool fort. En reposant mon bourbon, un frisson glacial m'effleura. Un brouillard de confusion m'entoura. Une forte sensation de vide m'enveloppa. Je crus vivre dans une obscurité infinie. Une panique inexplicable me rongeait l'intérieur. Mes pensées se vidaient. Je n'y pouvais rien. Les phrases prononcées par tante Myriam s'évaporaient dans le désert abandonné de mon esprit. Je frémissais. Puis, soudain, tout me revint. George VIII geignait devant moi. Que s'était-il passé ? Quelle force épouvantable me vidait de mes réflexions ? Myriam se leva, chercha quelque chose dans la salle, puis m’appela : « Charles ? ». Bouleversé, je lui répondis : « Je suis ici, devant toi ! ». Elle se tourna vers moi et fronça les sourcils : « Charles ? ». « Oui, c'est moi, ce serait qui d'autre ? » répétai-je. Elle avança et m'’attrapa par le col de ma chemise :
- Comment ça, Charles ? se fâcha-t-elle.
- C'est moi, ton neveu ! répondis-je la voix tremblante, apeuré par cette violence soudaine.
- Haha, sûrement ! Et ce serait sûrement mon neveu qui se serait introduit discrètement dans cette vaste maison pendant que les habitants étaient sortis ? Qu'est-ce que tu voulais chiper, sale voleur ?
- Mais mimi ! suppliai-je. Je ne suis pas un voleur !
- Ha, je vois que “Monsieur le voleur” pensait sûrement qu'il n'y aurait personne pour l'arrêter. On pourrait même dire que “Monsieur le voleur” a foiré son plan.
Soudain, Hugo entra dans le salon :
- Madame, que se passe-t-il ?
- Ah, enfin une personne saine d'esprit ! soufflai-je soulagé.
- Qui est cet homme ? interrogea-t-il perplexe.
- Hugo, arrête, je ne trouve pas ça drôle, sifflai-je les dents serrées.
- Moi non plus je ne trouve ça point drôle ! hurla-t-elle livide.
Puis, avec une force incroyable, elle me jeta dehors. Elle ferma la porte à clef. Il pleuvait des trombes d'eau. George VIII, triste et perdu, m'avait suivi. Il me scrutait avec ses yeux implorants. Je ne sus le réconforter. En regardant à travers la vitre de la porte, je ne remarquai personne sauf le reflet d'un homme maigre, dans la vingtaine, qui se tenait droit. Ses cheveux châtains brillaient légèrement sous la lueur ambre de la lumière sortant de la salle. Les oreilles légèrement pointues se perchaient des deux côtés de ses yeux verts scintillants. Son nez, presque trop grand pour son visage, était collé au-dessus d'une bouche remplie de dents parfaitement blanches. Il souriait. Qui était-ce ?
Dernière mise à jour : 7 avr. 2022
Trois heures et quart. Du matin. Déjà, le sommeil m’abandonna. Ce n’était pourtant plus une surprise. Doucement, je sortis de mon lit.
L’air froid du mois de novembre glaçait mes mains. Et pourtant, il m'était des plus agréable.
Pas un bruit, à part une voiture solitaire au loin. Personne. Désert. Le calme absolu. Aussi étrange que cela puisse paraître, les nuits transformaient les villes en des villes fantôme.
Ce fut pour cet aspect-là qu’elles devinrent rapidement mon moment favori. Mon secret le mieux gardé et pourtant, si accessible à tous ceux qui voulait s’y aventurer. Durant ces moments surréels, je me sentais surhumain. Et l’inhumain, aussi effrayant puisse-t-il être, m'avait toujours captivé.
Sept heures, il était déjà temps pour moi de rentrer. Finis la solitude et le calme, bonjour monde de l’impatience et du bruit. Ma vie normale reprenait petit à petit. Sur le chemin de mon quotidien, je passais devant une petite maison. Je l’apercevais tous les jours en me rendant à l’arrêt de bus. On l’aurait dit tout droit sorti d’un rêve. Et quelque part, j’espérais un jour pouvoir y habiter. Elle possédait un charme fou, un petit rayon de lumière et d'originalité dans la banalité de cette ville.
-Toi en revanche, tu es tout sauf un rayon de lumière, et tu es bien la dernière personne que l’on prendrait le soin d'admirer, s’exclama la voix désobligeante de mon esprit.
Je n’en avais jamais croisé le propriétaire, mais le jardin, toujours tondu, les vitres, toujours propres, et les fleurs en parfaite santé témoignaient de la vie de cette maison. Malgré cela, elle restait le grand mystère de cette ville. La différence fait toujours jaser.
Malheureusement pour moi, je ne pus m’attarder plus longtemps, le bus ne m'attendrait probablement pas éternellement.
Dix-neuf heures, la fin de ma dure journée. Mais déjà, le bruit s’estompait, et la nuit nous accueillait. Le bus s’en alla et je me retrouvai seul, au milieu d’une route déserte.
- Comme toujours, me rappela la voix qui tournait en boucle dans ma tête
Dans les maisons, toutes éclairées d’une joyeuse lueur, les familles se retrouvaient, et le repas se partageait.
- Pas comme la tienne, dont tu t'es volontairement éloigné, égoïste.
Chez moi, seule la solitude m'attendait. J'ouvris la porte, grinçante, et m’aventurai dans l’antre sombre de mon appartement. La pièce se remplit d’une douce lueur jaune-orangé. L'aménagement, sobre et élégant à la fois, s’accordait parfaitement à l’ambiance que j’espérais pouvoir donner à mon appartement. Un endroit où finalement, je ne me sens pas comme étant étranger à mon propre environnement. Je n’en étais pas peu fier.
-C’est sûr qu’au moins, seul, tu n’es pas rejeté
Trois heures et quart du matin. Encore une fois, le sommeil m'avait quitté. Je sortis alors me promener. Les lampadaires projetaient mon ombre sur les façades des habitations. En passant devant ma préférée, j'aperçus une lueur. Je n'étais donc pas le seul insomniaque de cette ville.
- Mais tu es toujours seul... Ce n’est pas comme si quelqu'un apprécierait ta présence.
L’aube. Les fines gouttes de rosées matinales, sur un sol au repos. Les premiers rayons de soleil qui
perçaient avec difficulté entre les feuilles sans vie des arbres. La vieillesse peut être magnifique, les
feuilles de l'automne, nous le rappelaient chaque année, passant d’un vert uniforme à un panel de couleur incroyablement divers, avant de parsemer le sol en laissant la faux s’abattre sur leurs âmes. Ma saison préférée. Engloutie par le brouillard, je prenais le chemin de mon logement. Aujourd’hui sera une journée pluvieuse.
Le bus arriva en retard. Je ne m’en inquiétai pas. Après tout par un matin brumeux, cela n'avait rien d'étonnant. Mais cet incident me causa hélas dix bonnes minutes de retard.
- Ta présence est tellement accablante et lassante que jamais personne ne s’en soucierait.
La nuit s'était déjà installée quand le bus me déposa. En chemin, je m’attardai devant la mystérieuse demeure. Parfois, je m'imaginai à quoi pouvait ressembler la vie ici, dans cette petite maison aux façades colorées.
- Tu serais toujours seul, rêve pas, tu es si rebutant que même avec une belle demeure, jamais quiconque n'aurait l’incroyablement stupide idée de t’approcher.
Au fond, cela ne changerait pas tellement. Même routine, mêmes insomnies. Mais quelque chose d’irrationnel m’attirait dans cet endroit. Je ne saurais le décrire, mais depuis que je l'avais découverte, cette maison m’obsédait. Il commençait à faire froid. Alors, sous un ciel constellé d’étoiles, je repris le chemin de mon actuelle demeure, dans le calme si caractéristique de la nuit.
Mais, alors que je tournai le dos à cette maison, j’entendis la porte s'ouvrir. Et devant moi, j’aperçus
sur le bitume humide de pluie le rayon de lumière qui s’échappait de l’ouverture.
- Ce n’est pas pour toi, qui chercherait ta compagnie ? Tu repousserais même la plus altruiste des personnes.
Ma curiosité l’emportant, je me retournai. Et sur le perron de la maison se tenait, immobile, une vieille dame, un sourire serein aux lèvres. De petite taille, elle portait autour de ses épaules un châle bleu nuit. Son visage rond, parcouru d’un labyrinthe de rides, me rappelait celui de ma propre grand-mère, morte depuis bien trop longtemps. Sur ces pommettes, le froid avait déposé son empreinte, laissant après son passage deux légères marques rosées, et ses yeux semblaient me fixer sans pour autant me voir. Ses cheveux s’apparentaient à des fils de soie, d’un blanc légèrement brillant sous l’éclat de la lumière, fins, coupés courts. Ses yeux d’un brun sombre soudain reprirent vie. Et, aussi rapidement qu’elle était apparue, elle se retira dans sa maison colorée.
- Je te l’avais bien dit.
Cette rencontre des plus brèves, si l'on pouvait l'appeler ainsi, me laissa en arrière-goût un sentiment particulièrement étrange. Mais je n’arrivai pourtant pas à mettre le doigt dessus.
Trois heures dix. Encore et toujours ces insomnies. Dans le froid de la nuit, sous un tapis d'étoiles, je sortis de chez moi. Je décidai cette fois-ci de passer par un chemin différent, je devais me changer les idées.
- Comme si cette tentative désespérée allez porter ses fruits, à croire que même le temps ne te permet pas d’arriver à former une idée intelligente, pauvre imbécile.
Voilà trois semaines que je n’avais plus recroisé la propriétaire de cette demeure colorée. Soit ! Je devrais probablement attendre encore de nombreuses années pour un jour, au détour d’une rue, la croiser. Mes insomnies ne s’amélioraient pas, mais ne s’aggravaient pas non plus. L'automne avait bien entamé son chemin, et il avait laissé petit à petit la place à l'hiver. L'air se faisait plus frais, et l’on sentait que doucement Noël s’insinuait dans les pensées de tous. Je ne savais pas encore bien ce que je pourrais faire une fois la période venue. En effet, ma famille n’habitait pas tout près, et bien que je m'efforce de passer un peu de temps avec mes parents, cette année, ils m’avaient prévenu qu’ils prévoyaient de toute façon déjà autre chose.
- Tu as certainement réussi à les faire fuir, tu répulserais toute personne saine d'esprit, tu ferais mieux d'arrêter d'essayer, ça en devient pathétique.
Deux heures quarante-cinq. Je me réveillais en sursaut : un cauchemar. Cela ne m’arrivait pas souvent.
- Ta présence seule s'apparente au plus sombre des cauchemars.
N’arrivant pas à me rendormir, je sortis. Je n’étais pas repassé devant la maison colorée depuis un petit moment maintenant, et je décidai donc de prendre ce chemin-là pour ma balade nocturne.
La maison rayonnait de cette légère lueur orangée, que j’y avait déjà aperçue lors de ma dernière promenade nocturne dans ce quartier-ci. De la fenêtre du premier étage se détachait une ombre d’une jeune adulte, à la silhouette gracieuse, de longs cheveux ondulant sur le creux de son dos. Ainsi donc, cette vieille dame ne vivait pas toute seule. Comment se faisait-il que je n'avais jamais vu personne sortir de cette maison, excepté lors de ma rencontre avec celle-ci ? Je sortis de ma réflexion. Le temps d’un battement de cil. Mais déjà l'ombre avait disparu.
Voilà plusieurs nuits que je passais devant cette demeure. Je n’aperçus pas l'ombre à chaque fois, mais à chaque fois que je finissais par l’entrevoir, elle disparaissait brusquement, sans que je ne m'en aperçoive.
- Tu fais fuir même les ombres, si seulement tu m’écoutais un peu plus tu comprendrais qu'il vaudrait mieux que tu disparaisses. De manière permanente. Pour le bien de tous.
Je ne recroisais pas la vieille dame du perron. J’en arrivai donc à la conclusion que puisque je ne voyais jamais ces deux personnes, que je n'avais probablement fait que les imaginer.
- Sans doute a-t-elle juste pris la sage décision de t’éviter.
Samedi matin. Dehors, la pluie fredonnait sa douce mélodie, embaumant l’air de son doux parfum. Personne dehors. Je pris la décision de quitter mon canapé, d’enfiler mes chaussures, et mon anorak.
- Hum hum, tu fais pitié, je t’en supplie, abrèges ce calvaire.
Je fermai à clé la porte de mon appartement, descendis les escaliers, et sortis dehors. Les journées
pluvieuses ressemblaient à la nuit. Les habitants restaient chez eux, et la ville était bien déserte. J'arpentais donc seules les petites rues, déambulant sans réel but. À un croisement, je crus reconnaître la vieille dame du perron. Et mon instinct me dicta de la suivre.
- Tu n’arriveras qu’à la faire fuir, une fois de plus, tu es vraiment ignoble d'imposer ton existence au monde.
Rentrant visiblement chez elle, elle semblait fatiguée. Chaque pas, plus lent que le précédent, lui demandait un effort démesuré. A cette vitesse, elle ne serait pas chez elle avant une éternité. Je m’avançai vers elle, brûlant de lui proposer mon aide.
- Et chercher à me prouver que j’ai tort. J’ai très rarement tort. Tu n’arriveras qu’as aggraver ton cas.
Sous la pluie, avec son mince gilet et son châle bleu nuit, le même que la dernière fois, elle rentrerait chez elle avec un rhume, dont elle ne se remettrait pas de sitôt.
- Madame, puis-je vous aider ?
Pas de réponse.
- Ha, quelle situation ridicule, même les vieux ne veulent pas de ton aide, tu es répugnant.
- Madame, voulez-vous bien me laisser vous aider ?
Mais la vieillarde continuait son petit bonhomme de chemin, sans jamais se retourner, m'ignorant délibérément. Sans doute ne m’avait-elle tout simplement pas entendu.
- Tu crois vraiment que ce n’est pas réfléchi comme action, l'espoir fait vivre, ne t’es-tu jamais demandé que tu devrais sans doute mieux faire le contraire.
Je réessayais encore plusieurs fois, avant de jeter l'éponge, elle ne me répondrait pas.
- Encore une fois, je t'avais prévenu.
Je m’engageais alors sur le chemin de la forêt. Cela m’apaiserait sans doute.
En rentrant, la nuit déjà commençait à tomber. Et alors que je passais devant la maison aux mille couleurs, j’aperçus l'ombre. Même emplacement, toujours. Le vent se leva.Je m’arrêtais deux minutes pour prendre le temps de la contempler. Cette fois elle ne disparut pas. Petit à petit, elle rapetissait. Étrange. Je me rapprochais alors de la fenêtre, comme attiré par une force invisible.
- Tu sais, si tu sautais d’une fenêtre, tu ne manquerais à personne.
- Mais tais-toi donc, ne comprends-tu pas tout le mal que tu lui cause ? s’exclama dans mon esprit une voix douce et mélodieuse, complétement inconnue.
Plus de lueur. Je sortis de ma transe. Je me trouvais au milieu du jardin. Qu'est-ce que je faisais là ? Je n’en avais pas la moindre idée. Confus, je pris le chemin du retour. Le vent ne soufflait plus. Cette nuit, je dormis pour la première fois depuis bien trop longtemps la nuit entière.
Janvier. Je n’avais plus revu l’ombre.Mes insomnies devenaient irrégulières.
Deux heures. Plus tôt que d’habitude. Plus tard qu’il y a deux jours.
- Même une tâche aussi simple que dormir, tu n’arrives pas à l’accomplir, je marque un point sur la cause perdue. Et ne vas pas penser que je suis le seul à être convaincu de ça !
Je me retrouvais devant la fenêtre de la maison aux mille couleurs. Elle m’attirait.
- N’avais-tu donc pas compris ?
Je passai devant chaque nuit d’insomnies. J’y vis l'ombre, dans la lueur orangée. Mon corps ne me répondit plus.
- Arrête ! la douce voie réapparue.
- Jamais il n’arrivera à se débarrasser de moi.
- Stop !
Je suis entraîné vers la maison, mais je ne m’en rends pas vraiment compte.
- Ce n’est qu’un incapable!
- Mais quand vas-tu te taire ?
- Même pas en capacité de faire une seule bonne action dans l’entièreté de sa vie.
Comme dans un rêve. Je ne peux pas réagir.
- Son existence ne cause que des problèmes, à tous !
- Tu le hantes depuis si longtemps, quand vas-tu cesser ?
Et la fenêtre se rapproche.
- Jamais, n’était-ce donc pas clair ? Jamais ça ne cessera ! Pas jusqu’à ce qu’il réalise que pour le bien de toutes les âmes dont il a croisé le chemin, comme réparation du mal que seul sa présence a causé, il se doit de faire un dernier plongeon, vers une nuit éternelle.
Je sens mon poing me piquer, et un liquide s’en échapper, je ne sens pourtant pas de douleur.
- C’est pourtant si simple, il y a dix mille manières de faire, si seulement il décidait enfin d’en finir. De quitter ce monde. De mourir.
Et l'air se réchauffe. Et la lueur disparaît. Et les voix se turent.
Dans cette petite ville se trouve une maison aux mille couleurs. Personne n’en voit jamais le propriétaire, pourtant le jardin toujours tondu, les vitres toujours propres et les fleurs en parfaite santé témoigne qu’elle est habitée. Un petit rayon de couleur dans la banalité de cette ville. Pourtant, dans le silence de la nuit, on peut y apercevoir l'ombre d’un jeune homme à la fenêtre. Le temps seulement d’un battement de cil. Et les jours de pluie, un vieillard recourbé sur lui-même, à l’écharpe bleu nuit, arpente les rue désertes, se rendant à son domicile, sans jamais s'arrêter, n’acceptant jamais d’aide, aucun mot n’entrouvrant jamais ses lèvres.