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  • Thomas Cornelius-Hick, 11VP/2

Le Reflet de l’aristocrate

Comme il faisait beau ce matin. Je suis assis dans mon jardin gigantesque tout en regardant pensivement la rivière, derrière laquelle j'aperçois une biche. Mmmmh, mon repas de midi est théoriquement déjà servi. Je sonne ma clochette. Mon majordome vient avec le fusil. Je pointe du doigt. I! vise. L'animal se retourne. Un coup de fusil retentit. La bête tombe lourdement.


- À quelle heure Monsieur veut-il manger ? demanda:t-il.

- Comme d'habitude, Hugo, répondis-je d’un ton sec.


Ces petites interactions inutiles devenaient une habitude de mon domestique. Cela m'irritait. Je n'aurais pas dû m'énerver car il représentait la seule compagnie, à part mon vieux chien fidèle, George VIII, que j'avais dans ce vaste manoir.


Deux heures plus tard, je rentrai dans la salle à manger, affamé après un maigre petit déjeuner de bacon, saucisses, haggis, œufs, haricots cuits, toast et d'asperges. Je sentais l'odeur de la viande depuis ici. Hugo rentra soudainement avec le repas riche. L'homme pouvait poser des questions idiotes parfois, mais il était toujours à l'heure :


- Ah ! Bravo mon vieil ami, parfaitement cuit comme d'habitude ! complimentai-je en prenant un morceau de l'animal décédé avec ma fourchette.

- J'ai fait de mon mieux, Monsieur, affirma-t-il encore plus monotone que d'habitude.


Après une heure, je me levai brusquement :


- Du Golf, Hugo, je voudrais faire du golf cette après-midi !

- Monsieur veut-i jouer sur le terrain 1, 2, 3 ou 4 ?

- Le 2, comme d'habitude, murmurai-je en buvant le reste de mon porto.

- Oui, Monsieur, toute de suite, Monsieur, je prépare les clubs, récita-t-il machinalement.


C'était le seul terrain que j'utilisais, mais je gardais les autres pour les occasions spéciales.


Ils étaient entretenus, ainsi que mon jardin, par une vingtaine de domestiques qui habitaient dans un village à quinze minutes d'ici.


Je me rendis au terrain numéro deux, où Hugo attendait déjà avec mes affaires préparées.


- Monsieur a reçu une lettre de la part de Madame Farley, annonça-t-il.

- Ah ! Ma chère tante Myriam ! m'exclamai-je en ouvrant l'enveloppe. Elle veut nous rendre visite demain, c'est magnifique !

- Oui, monsieur, soupira-t-il d'un ton sceptique.


Hugo était juste fâché car ce serait lui qui allait devoir préparer à manger. Ma tante aimait manger.


Après quelques heures, j'arrivais à la fin du dernier green. La météo changeait, de vieux ogres moches et lourdes déambuler dans le ciel. La température baissait.



A la maison, je me changeais à nouveau. Le soir venu, je dégustais mon somptueux souper. Il pleuvait dehors et je me sentais étonnamment fatigué et triste. Je ne savais pourquoi ! Inquiet, je montai lentement les escaliers, en souhaitant bonne nuit à Hugo. Tendu, je m'assis sur mon lit. Après quelques minutes, je me levai, perdu dans mes pensées. Je me dirigeai vers mon miroir. J'observai un homme maigre, dans la vingtaine, devant moi, qui se tenait droit. Ses cheveux châtains brillaient légèrement sous la lueur ambre de ma lampe. Les oreilles légèrement pointues se perchaient des deux côtés de ses yeux verts scintillants. Son nez, presque trop grand pour son visage, était collé au-dessus d'une bouche aux dents parfaitement blanches. Il souriait. Je le connaissais. // était moi. En me retirant du miroir, je constatais, au plus profond de mon être, un sentiment de soulagement. Épuisé mais heureux, je tombai sur mon lit. Le coussin caressa ma tête, et je m'endormis.


Le lendemain, je me préparai pour la visite de ma tante volumineuse. À onze heures, je descendis pour la recevoir. Elle entra brusquement, habillée en une ample robe flamboyante, avec ses deux petits chihuahuas à son côté.


- Salut, Charrrrrles, j'ai pris des chocolats pour mon petit ours en peluche ! s'exalta-t-elle.

- Merci, tante Béluga (un de ses multiples surnoms) ! la gratifiais-je à contre-coeur et perplexe, car je détestais cet exotique aliment sucré depuis toujours.

- Hm hm, toussa Hugo, Monsieur veut-il que je les mette au froid ?

- Oui, oui, répondis-je en le regardant attentivement.


En prenant le chocolat de mes mains, il semblait avoir des yeux ternes, déconcentrés. Je me retournai ensuite vers Béluga. Je ne pus la confronter sur ses actes inhabituels, car elle commença à babiller d’affaires familiales. Je ne pus non plus m'échapper ; la conversation coulait d'elle en une cascade inextinguible.


Après un quart d'heure d'ennui, nous nous dirigeâmes vers la salle à manger où Hugo coupait des steaks. Ma tante se plaça sur ma chaise préférée. Surpris de son inattention, je la priai de s'enlever. « Désolé, chéri », s'excusa-t-elle avec légèreté.


Après quelques services de viandes, nous marchâmes jusqu'à la Bentley avec Hugo. Nous avions prévu d'aller au cinéma. Pendant le trajet, nous discutâmes de divers sujets. Arrivé à Oxford, nous constatâmes que le nouveau film semblait très populaire. Une foule se formait devant la porte d'entrée, Hugo gara vite la voiture avant de se précipiter vers le cinéma pour se procurer nos tickets. Ma tantine et moi nous plaçâmes vers l'entrée, mais, dans la foule, nous nous perdîmes de vue. Je cherchai partout, puis je l'aperçus « Béluga ! » criai-je. En tournant Vers moi, ses yeux vitreux regardaient sans me reconnaître. Avec un visage placide, elle se dirigeait lentement vers moi. Silencieuse, elle me regarda d’un air troublé, « Qui êtesv...» commença-t-elle avant de tousser violemment. Puis elle eut une expression de soulagement :


- Ah Charles, c'est toi !

- Ce serait qui d'autre ? m'exaspérai-je un peu d'inquiet.

- Oui, désolé, à mon âge on a tendance à avoir des petites fuites de mémoire.


Suite à ce curieux épisode, nous regardâmes le film : un chef-d’œuvre à mon avis. Après les deux heures, nous retrouvâmes mon majordome devant l'automobile de luxe. « Quelle heure est-il ?» questionnai-je, en m’arrêtant au bord de la route. Je ne reçus aucune réponse, sauf un regard perdu et un visage serein. « Hugo ! » me fâchai-je.


- Pardon, Monsieur pourrait-il me répéter sa question ?

- Répéter ? clarifiai-je livide, quelle heure est-il ?

- Dix-sept heures, Monsieur.


D'un geste abrupt je lui indiquai de démarrer la voiture. Il hocha la tête nonchalamment, et après que je me fus installé confortablement à côté de ma vieille parente, il commença à rouler. Nous ne parlâmes pas pendant le voyage du retour.


A la maison, nous nous réfugiâmes dans le salon où les fauteuils en cuir nous invitaient à nous asseoir avec nos verres de whiskys. Mimi, retrouvant ses habitudes, s'était. mise à raconter une histoire ennuyeuse et moralisatrice sur un immigrant indien qui était devenu gravement malade lors de la consommation de l'alcool fort. En reposant mon bourbon, un frisson glacial m'effleura. Un brouillard de confusion m'entoura. Une forte sensation de vide m'enveloppa. Je crus vivre dans une obscurité infinie. Une panique inexplicable me rongeait l'intérieur. Mes pensées se vidaient. Je n'y pouvais rien. Les phrases prononcées par tante Myriam s'évaporaient dans le désert abandonné de mon esprit. Je frémissais. Puis, soudain, tout me revint. George VIII geignait devant moi. Que s'était-il passé ? Quelle force épouvantable me vidait de mes réflexions ? Myriam se leva, chercha quelque chose dans la salle, puis m’appela : « Charles ? ». Bouleversé, je lui répondis : « Je suis ici, devant toi ! ». Elle se tourna vers moi et fronça les sourcils : « Charles ? ». « Oui, c'est moi, ce serait qui d'autre ? » répétai-je. Elle avança et m'’attrapa par le col de ma chemise :


- Comment ça, Charles ? se fâcha-t-elle.

- C'est moi, ton neveu ! répondis-je la voix tremblante, apeuré par cette violence soudaine.

- Haha, sûrement ! Et ce serait sûrement mon neveu qui se serait introduit discrètement dans cette vaste maison pendant que les habitants étaient sortis ? Qu'est-ce que tu voulais chiper, sale voleur ?

- Mais mimi ! suppliai-je. Je ne suis pas un voleur !

- Ha, je vois que “Monsieur le voleur” pensait sûrement qu'il n'y aurait personne pour l'arrêter. On pourrait même dire que “Monsieur le voleur” a foiré son plan.


Soudain, Hugo entra dans le salon :


- Madame, que se passe-t-il ?

- Ah, enfin une personne saine d'esprit ! soufflai-je soulagé.

- Qui est cet homme ? interrogea-t-il perplexe.

- Hugo, arrête, je ne trouve pas ça drôle, sifflai-je les dents serrées.

- Moi non plus je ne trouve ça point drôle ! hurla-t-elle livide.


Puis, avec une force incroyable, elle me jeta dehors. Elle ferma la porte à clef. Il pleuvait des trombes d'eau. George VIII, triste et perdu, m'avait suivi. Il me scrutait avec ses yeux implorants. Je ne sus le réconforter. En regardant à travers la vitre de la porte, je ne remarquai personne sauf le reflet d'un homme maigre, dans la vingtaine, qui se tenait droit. Ses cheveux châtains brillaient légèrement sous la lueur ambre de la lumière sortant de la salle. Les oreilles légèrement pointues se perchaient des deux côtés de ses yeux verts scintillants. Son nez, presque trop grand pour son visage, était collé au-dessus d'une bouche remplie de dents parfaitement blanches. Il souriait. Qui était-ce ?

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