Dernière mise à jour : 25 sept. 2020
Il était une fois un village qui s’appelait Ki. Il était paisible et se trouvait dans la montagne. Il y régnait toujours une ambiance de fête et toutes les maisons étaient décorées de mille et une fleurs. On y entendait le bruit des vaches dans les prés et des moutons. On entendait aussi des chèvres.
Il faut dire que ce village était paisible grâce à un anneau magique. Il existait en tout six anneaux magiques, celui de la force, celui de la beauté, celui de la vitesse, celui de la nature, celui des couleurs, ainsi que celui de la paix et de l’amour détenu par le village de Ki. Des personnes disaient que les anneaux magiques ne tombaient pas dans les mains « au petit bonheur la chance ». Ils disaient qu’il fallait le mériter. Les six anneaux magiques étaient cachés dans des endroits différents et personne ne savait où ils étaient. Il y en avait déjà un de trouvé, bien sûr, c’était l’anneau de la paix et de l’amour qui appartenait au village Ki.
Dans ce village vivait une cinquantaine de d’habitants, mais un n’était pas comme les autres et s’appelait Timi Brosse. C’était quelqu’un de rejeté et il était fermier. Il était aussi un mage de Pierre. Un mage de Pierre était une personne qui pouvait faire apparaître de la pierre et faire des formes comme il en avait envie. Bref, il pouvait faire tout avec de la pierre, même des maisons. Il y avait six mages dans le village. Il y avait un mage d’eau qui permettait d’avoir de l’eau pour faire boire tout le village. Il y avait aussi deux mages de feu en cas d’attaque et deux mages de guérison pour soigner les habitants du village.
Un beau jour, un roi d’une ville non loin du village, devint jaloux parce que le village Ki avait l’anneau de la paix et de l’amour que le roi voulait depuis des années. Ce roi appelé « le roi des Barblares » avait une armée de barbares que tout le monde appelait les « Barblares ». Le roi voulait de la paix et de l’amour pour son pays, il y régnait par contre la terreur. Les habitants étaient tous pauvres et travaillaient dans des usines ou des mines pour extraire du fer pour les armes des soldats du roi. Dans ce pays, personnes n’étaient mages, à part les « Barblares » du roi. Les Barbares étaient deux milles, armés jusqu’aux dents.
Le roi préparait son armée pour attaquer le village de Ki le lendemain à l’aube. Il était tellement riche qu’il ordonna à ses gardes d’aller en ville pour recruter des personnes et de leur donner un kilo d’or s’ils rejoignaient les rangs de son armée. A la fin de la journée, cent personnes en plus avaient rejoint l’armée.
Pendant ce temps dans le village de Ki, Timi Brosse était en train de faire ses courses. Quand il rentra chez lui, il ouvrit la porte et enleva ses chaussures, quelque chose brillait dans une de ses chaussures. Il regarda de plus près ce qui brillait et là devant lui se trouvait un des six anneaux et il le reconnut tout de suite, c’était l’anneau de vitesse. Timi Brosse ne savait plus quoi faire, il avait trouvé l’anneau de vitesse et il s’apprêtait à aller annoncer la bonne nouvelle à tout le village quand tout à coup il vit un couteau à côté de lui et il s’apprêtait à le ranger dans un tiroir quand soudain il vit une forme briller dans le tiroir. Il regarda de nouveau de plus près et reconnut l’anneau de puissance. Il resta bouche bée devant cet anneau. Il sortit de sa maison et annonça à tout le village la découverte des deux anneaux.
Le lendemain matin, les Barblares attaquèrent le village et même avec tous leurs guerriers bien équipés, l’armée du roi fut anéantie très vite. Le village de Ki avait gagné la bataille grâce à ses deux anneaux magiques.
Le soir, le village fêta sa victoire avec un grand banquet et depuis ce jour Timi Brosse ne se fit plus rejeter.
3ème prix
Dernière mise à jour : 7 avr. 2022
Le passé ne s’efface pas, même dans la tombe. Alison était là, à genoux dans le cimetière devant la tombe de son amie Zia, qui avait été retrouvée morte dans la forêt, sans explication, sans preuve, sans personne, sans coupable. Alison ne laissait rien paraître, mais à l’intérieur quelque chose s’était évanoui en même temps que le cœur de Zia lâchait. Était-ce dû au chagrin, à la peur ou au soulagement ? Dans la tombe, elle avait emporté secret, vie et douleurs. Personne ne savait comment elle avait rendu l’âme. Une chose était sûre, elle avait été assassinée, le jour de son anniversaire. Zia venait d’avoir 16 ans et elle était maintenant connue dans les journaux pour avoir fait les gros titres: « Zia, une jeune fille mystérieusement assassinée le jour de son anniversaire. »
« Elle aurait adoré cela », se dit Alison. Zia était très différente d’Alison. Elle adorait avoir toute l’attention sur elle. C’était une fille très jolie aux longs cheveux blonds, avec des yeux bleus enivrants qui vous hypnotisaient à volonté. Elle faisait fureur dans son lycée, mais même si elle était populaire, beaucoup de gens la détestaient. Cependant, elle préférait garder le secret de peur d’être menacée et humiliée devant tout le monde. Sa seule vraie amie était sûrement Alison, qui elle, était vraiment à l’opposé. Elle avait un cœur pur, détestait être au centre de l’attention et aurait été horrifiée si elle avait fait les gros titres. « Zia, je suis sûre que tu dois adorer la façon dont tu es morte, dans une vague de mystère et dans les journaux », chuchota Alison seule dans le noir du cimetière. Une larme coula sur sa joue en voyant le prénom gravé à jamais sur cette tombe. « Mon secret a péri avec toi, mais même morte on parle encore de toi. Tu faisais ressortir le plus noir en moi, qui le fera à présent? Personne! cria-t-elle en rompant le silence pesant. Toi qui a toujours cru à la réincarnation, aux fantômes et aux esprits, j’espère que tu constates enfin par tes propres yeux que j’avais raison et que ce ne sont que des histoires. Tu étais loin d’avoir une âme pure, mais au fond tu ne peux t’en prendre qu’à toi. Je t’aimais, tu faisais ressortir le sombre en moi et le plus dangereux. Je te hais pour cela, mais tout est effacé maintenant que tu as péri. »
Elle se leva après le dernier mot qu’elle avait prononcé. Une sensation de soulagement la traversait comme si l’âme de Zia allait cesser de la hanter pour toujours. Elle venait de rompre les liens d’une relation toxique, tout venait de sortir, elle se sentait vide et sans regret. J’aurais dû te le dire dès le premier jour, tu m’aurais ainsi pas fait vivre un enfer sur terre.
La nuit fut courte pour Alison, elle rêvait en boucle que Zia ressortait de sa tombe, révélait la vérité, et mettait à jour la noirceur d’Alison, qui était la première de classe, un modèle pour tout le monde. Puis soudain la porte s’ouvrit à la volée, réveillant Alison qui se répétait les derniers mots de Zia dans son rêve « Que je sois morte ou vivante, tout le monde paie les dettes qu’il a envers moi, même toi! » La porte faisait face à un couloir vide et sans vie. « Sûrement un courant d’air », se dit Alison, plus pour se convaincre qu’autre chose.
Elle ressentait toute la fureur de Zia qui lui transperçait les poumons, la privant d’air et de vie. Elle pensait que tout se terminerait une fois qu’elle serait enterrée, il fallait croire que non. Elle en avait la chair de poule rien qu’en y pensant, elle n’était qu’un pantin tandis que Zia tirait les ficelles. La nuit fut agitée. Elle se tournait et retournait dans son lit, en repensant à toute sa vie qui avait commencé le jour de leur rencontre.
Dès le lendemain dans les couloirs du lycée, son casier vide, qu’avait tant de fois claqué Zia pour montrer sa colère, ne se fermerait plus jamais de cette manière. Plus jamais elle ne traverserait les couloirs de ce lycée, à ses côtés Zia, qui lui racontait tous les potins du jour sur tout le monde. Alison n’y avait jamais prêté grande attention, mais regrettait. Comment pouvait-elle savoir autant de secrets sur toutes ces personnes. Alison savait très bien ce qu’elle faisait de tous les secrets y compris ceux qu’elle ne lui racontait pas. Elle les gardait dans sa tête pour faire chanter les gens comme bon lui semblait. Même les enseignants étaient sous son emprise, ainsi que ses propres parents. L’enfant naïve qu’était Alison ne s’était jamais doutée de cela jusqu’au jour où elle s’était introduite par effraction dans la salle des maîtres pour accéder aux archives.
C’était un jeudi après les cours, il ne restait que quelques rares passants qui erraient dans les couloirs, quand elles s’étaient lancées dans les ennuis.
- Pourquoi on fait cela, il suffit que tu travailles un minimum et tes notes s’amélioreront.
- Tout le monde n’est pas comme toi, Alison, puis j’ai d’autres choses à faire que de travailler. Surtout que si je veux pouvoir sortir samedi, j’ai intérêt à avoir un bon bulletin.
- Si on se fait prendre, tu auras plus qu’une mauvaise note, crois-moi, et moi de même.
- Je te dis de ne pas t’inquiéter.
A ce moment-là, Alison ne comprenait pas la signification de ses paroles, mais n’eut pas le temps d’y réfléchir, car elles se heurtèrent au proviseur. Alison sentit la panique monter, des lumières rouges commençaient à s’allumer dans sa tête, il fallait qu’elle coure, qu’elle parte, qu’elle s’enfuie. Ses parents allaient la tuer, la punir, elle ne ressortirait plus jamais de chez elle, elle serait bannie de la famille à tout jamais. Elle était tellement occupée à s’imaginer le pire, qu’elle ne comprit pas immédiatement que Zia était en train de retourner la situation à son avantage.
- Je vous conseille de ne rien faire, nous deux savons très bien comment réagirait votre femme si on venait à apprendre la nouvelle, de même que votre carrière qui partirait en fumée, dit Zia d’un ton malicieux.
- Un vous verrez, vous vous ferez prendre à votre propre jeu.
- Peut-être, Monsieur le proviseur, mais pour l’instant vous allez me faire plaisir de mettre un A+ à mon devoir de chimie, dit-elle en claquant la porte avec Alison qui la suivait de près.
Alison fut sortie de ses souvenirs par la sonnerie qui annonçait le début des cours, là où elle n’était pas, ce qui voulait dire heure d’arrêt à la fin de l’école. A la fin de sa journée quelque peu ennuyante, elle se dirigea vers la salle de colle et s’assit à une table tout au fond, loin du superviseur, de peur d’être remarquée. Toute chance de réussite fut ruinée quand la sonnerie de son téléphone vibra. Elle le maudissait à l’intérieur, mais ce sentiment fut vite remplacé par la surprise, puis par la peur. Elle relut le message pour être sûre, mais sans aucun doute possible, il était clairement marqué « On essaie de fuir, tu remets la faute sur moi, mais tu te trouves là où tout a commencé, je ne fais que révéler ce que tu caches. Z. » Son cerveau mit du temps à réagir. Là où tout a commencé… quand un déclic se fit dans sa tête. Elle se trouvait dans la même salle, assise à une table, quand Zia était apparue et avait exigé qu’Alison parte de sa place habituelle. C’est comme ceci que leur histoire avait commencé chez le proviseur, pour des travaux d’intérêt suite à une dispute aux heures d’arrêt. Seule Zia pouvait savoir où elles s’étaient rencontrées. Sa tête commençait à bourdonner. Trop d’informations et de questions venaient en même temps. Qui avait tué Zia? Était-elle vraiment morte? Qui écrivait ces messages en signant Z.?
Trop de questions dans la tête… Elle se dirigea vers sa maison les jambes tremblantes et la gorge nouée, la paranoïa l’emportant sur la peur. Elle s’enferma dans sa chambre pour essayer de bloquer ses pensées plus mystérieuses les unes que les autres. Quand son téléphone recommença à sonner, son cœur s’arrêta et une fraction de seconde elle s’immobilisa. Elle était incapable de communiquer à son corps le moindre mouvement, comme bloquée. Puis une fois reprise en main, elle lut le message. « Tu es seule et sans amie, j’étais tout pour toi, et toi tu m’insultes une fois sous terre. Si tu enterres un secret, il finira par sortir, quoi que tu fasses. Z. » Puis la fenêtre s’ouvrit brusquement, laissant entrer le vent hurlant, annonçant la venue d’une tempête effroyable qui s’approchait à grand pas. Alison allait fermer la fenêtre quand elle vit dans la maison d’en face, dans la chambre de Zia, du feu sortir par la cheminée et les rideaux qui flottaient au vent. Elle aperçut une ombre derrière une fine couche de pluie. Avait-elle rêvé ou halluciné? Le doute la hantait de l’intérieur, il fallait qu’elle vérifie. Elle se précipita sur le perron d’en face qui était abandonné depuis la mort de Zia. Elle poussa la porte et marcha sur le parquet qui grinçait à chaque pas. Tant de choses s’étaient passées dans cette maison. Elles avaient vraiment créé de vrais liens, mais une sonnerie la ramena à la réalité froide et triste. Les messages la hantaient. Celui-là ne laissait aucun doute, quelqu’un l’espionnait. « S’introduire chez les autres c’est mal, et tu le sais très bien. Z. »
Sa vision commençait à devenir floue suite à la panique. Sa gorge sèche l’empêchait de respirer correctement. Quelqu’un surveillait ses moindres faits et gestes. Elle allait partir, quand elle entendit des pas à l’étage. Elle monta les escaliers quatre à quatre, puis courut dans la chambre de son amie morte. Le feu crépitait dans la cheminée mais personne ne se trouvait aux alentours. Elle s’approcha lentement de la cheminée. A chaque pas, elle se sentait observée, le parquet grinçait, elle vérifia chaque recoin de la chambre mais personne ne se trouvait là, il n’y avait aucun signe de vie dans la pièce. Qui avait allumé le feu? Elle préférait partir, et vite, surtout qu’on commençait à entendre l'orage se rapprocher. Elle prit le seau d’eau pour éteindre le feu, mais vit ce qui brûlait: des photos d’elle et Zia. Elles étaient proches et amies, mais leur sourire était faux. Il y avait également un mot, déjà bien noirci par les flammes, qui disait: « Tu veux m’oublier et me faire porter toute la responsabilité, moi j’assume et je te brûle, en enfer ou sur terre. Z. » Alison fit un bon en arrière. Qui était là, qui se cachait sous l’identité de Z.? Elle avait le cœur qui allait exploser, elle sentit ses jambes trembler. Elle n’allait pas tenir longtemps, tout son monde s’écroulait. A l’extérieur, le tonnerre grondait, comme pour manifester sa colère. Sa vue se brouilla, puis soudain plus rien, uniquement un téléphone qui sonnait. D’une main tremblante, elle prit le téléphone et l’approcha de son oreille, puis une voix murmura:
« C’est moi, tu vas payer les conséquences, on sait toutes les deux qui m’a assassinée, sans pitié. Tu vas le regretter, maintenant ou dans le futur, la vérité va éclater sous la torture, tes dettes seront payées. »
Il n’y avait plus de doute possible, mais comment avait-elle pu en arriver là? Tout espoir de vie s’était envolé cette nuit-là, où tout avait dégénéré.
Elle n’alla pas au bout de sa réflexion, car l’éclair frappa la maison hantée par les fantômes du passé. Alison sauta par la fenêtre juste à temps, et la dernière chose qu’elle vit fut Zia dans la chambre lui criant « Tu périras, on se reverra. »
Était-elle folle ou non? Seule Zia le savait, allongée dans sa tombe. De lourds secrets, enterrés avec la mort, périssent, mais ressuscitent si on les rappelle.
Dernière mise à jour : 25 sept. 2020
Une douce teinte orangée s’était emparée du ciel de Tokyo. Les derniers rayons du soleil venaient s’échouer contre les centaines de gratte-ciels qui surplombaient le centre de la capitale et les premières étoiles commençaient à orner cette mer d’horizon qui s’étendait sur le Japon. Les minutes ne cessaient de défiler et pourtant, le pays du soleil levant se laissait doucement emporté par les vagues d’un océan rose.
Une multitude de lumières artificielles provenant des affichages en LEDs illuminaient Tokyo et les yeux de ses habitants, la rendant plus vivante et plus animée même à l’heure du coucher de soleil. Des milliers de passants traversaient les avenues à pas de course, pressés de rentrer chez-eux à cause des températures hivernales qui chutaient. La nuit menaçait d’engloutir les rues les plus reculées du centre-ville et les immeubles se teignaient d’un noir profond, comme pour prévenir que le monde était sur le point de s’endormir.
Dans une de ces ruelles éloignées de toute once de lumière se trouvait un bâtiment, ses murs se dévêtaient de leur fine couche de peinture et certaines fenêtres laissaient la colère du vent saccager certaines pièces encore ouvertes au vent. Les couloirs étaient vidés de couleur, l’air étant trop glacial pour qu’un des locataires n’ose s’aventurer dans les corridors.
Plusieurs familles habitaient dans cet immeuble, tous demeuraient dans des appartements suffisamment bien chauffés, à l’abri du froid. Eux-aussi apportaient une sorte de chaleur entre les quatre murs du bâtiment. Cet immeuble pouvait avoir un aspect lugubre, sans vie, mais la multitude de fenêtres éclairées montrait que ses habitants étaient ses racines, que leur joie donnait un éclat à ces murs teintés d’ombres.
Sauf que personne ne savait réellement que la principale source de leur euphorie logeait dans le seul appartement se situant au dernier palier de l’immeuble.
C’était un jeune homme qui vivait à cet étage. Tout en tenant un petit bougeoir en verre entre ses doigts, il attendait impatiemment que la nuit s’empare de Tokyo, assis sur son lit. Il était comme hypnotisé par la mèche d’une bougie qui se consumait sous ses yeux, la flamme esquissait les traits de son visage parsemé de particules dorées ainsi qu’une partie de sa chevelure décolorée. La pâleur de sa peau laisserait croire qu’il était d’une fragilité sans nom et que son épiderme était aussi délicate que de la porcelaine.
Son regard suivait le chemin d’une goutte qui glissait le long de la bougie, ayant fini par disparaître au fond du bougeoir dans les restes de cire encore liquides. Ses mains devenaient de plus en plus sensibles à la chaleur qu’il gardait entre ses paumes et un feu transparaissait dans ses iris bleutées.
C’était bientôt l’heure pour Yuta Nakamoto de bercer toutes les âmes de cette Terre dans les ténèbres.
Ses voisins le connaissaient comme le garçon solitaire de l’immeuble qui n’hésitait jamais une seconde pour aider ses prochains. Tout le monde l’appréciait pour sa gentillesse et générosité. Certains pensaient même qu’un ange sommeillerait en lui. Mais personne ne savait réellement ce qu’était Yuta, de ce qu’il faisait quand Tokyo se noyait sous une mer de crépuscule.
Chaque jour, le blond allumait la mèche d’une de ses précieuses bougies pour préserver une harmonie sur Terre. Il avait le contrôle sur le jour et la nuit grâce à elles. Il était lié à ses bougies, elles étaient la lampe de cette planète, ainsi que la sienne, qu’elles soient à quelques millimètres de lui ou à des centaines de kilomètres, il les sentait brûler. Lorsque leur mèche finissait de s’embraser, un voile sombre venait recouvrir une partie du globe et quand la cire était en train de fondre, le ciel se décolorait de l’obscurité.
Pour que la lune reste connectée avec le soleil, celui-ci devait survoler les cieux le quart d’une journée. Si en vingt-quatre heures, le soleil ne parvenait pas aux six heures qui marquaient son équilibre avec le satellite, les ombres se nourriraient de sa faiblesse et la Terre serait à jamais anéantie. Plus il s’approcherait de la fin du décompte, plus il se ferait aimanter par les créatures de l’ombre.
Sa montre indiqua qu’il devrait bientôt éteindre une part de cette planète. En jetant un dernier coup d’œil à sa fenêtre, Yuta admira une dernière fois cet immense tableau rose qu’il allait peindre de noir. Ses yeux se mirent à scintiller quand son regard eut croisé celui de plusieurs étoiles perdues dans le ciel, le blond allait maintenant accomplir sa tâche. Il approcha son visage de la mèche brûlante et une agréable chaleur vint s’échouer contre ses pommettes étoilées. Il prit une grande inspiration puis dans un souffle lent, la flamme disparut sous une épaisse fumée, au même instant que le Japon sous les lueurs de la pleine lune et le feu qui brûlait à l’intérieur de son organisme.
-
Dans un des amphithéâtres d’une prestigieuse université de Tokyo, des étudiants en droit était en train de noter sur leur ordinateur ce qu’un professeur leur récitait à travers un micro. Le silence de la salle était pesant mais masqué par le son des touches que chaque universitaire tapait à vitesse constante, tous s’appliquaient, focalisés sur leur écran, à pianoter sur leur clavier les explications du professeur.
Pendant que celui-ci était occupé à finir son cours, les yeux du blond s’étaient glissés vers l’horloge numérique de son ordinateur puis vers le cadran de sa montre. Il était treize heures cinquante-six. Puis qu’aujourd’hui, il avait allumé sa bougie à huit heures pile, il ne lui restait que quatre minutes pour atteindre le nombre d’heures auquel il devait y parvenir. Même s’il était l’unique personne qui connaissait l’existence de ces bougies, il devait rester attentif aux minutes qui défilaient. Si des Tokyotes venaient à s’apercevoir qu’il détenait le contrôle de la lumière ainsi que de l’obscurité, certains individus tenteraient de s’en emparer. Une seule erreur d’inattention pourrait entraîner la Terre dans sa destruction.
Alors qu’il s’apprêtait à sauvegarder son texte, le blond remarqua quelque chose auquel il n’avait guère fait attention auparavant. Il dût refermer plusieurs fois ses paupières avant de se rendre compte que l’ombre de son poignet par-dessus son clavier avait totalement disparu. Une goutte de sueur longea sa tempe et ne comprenant pas ce qui lui arrivait, il stoppa tout mouvement, de peur qu’il se fasse remarquer.
Lorsque l’horloge eut atteint quatorze heures cinquante-sept, ses mains se figèrent instantanément sur les touches de son ordinateur portable. Ses doigts écrasaient si fort les touches de son clavier que des dizaines de messages d’erreurs s’affichèrent sur son écran.
Le blond sentait les mains d’une âme dénuée de lumière sur ses bougies. Il peina à avaler sa salive et une douleur insurmontable transperça l’intégralité de son corps, comme si des couteaux s’enfonçaient lentement dans son épiderme laiteuse. Des décharges électriques glaçaient son organisme tout entier à chaque fois que la personne frôlait la cire de ses doigts. Ses mains se cramponnèrent désespérément à ses cuisses et il planta ses ongles dans le tissu de son jean. Il était devenu une poupée vaudou entre les mains d’un inconnu qui s’amusait à lui faire ressentir une souffrance qu’aucun autre humain n’arrivait à endurer.
Il espérait qu’aucun étudiant dans la salle était en train de le dévisager, jamais Yuta n’aurait autant souhaité rayer son existence de la surface de cette planète. Il n’avait aucune échappatoire pour fuir ces spasmes qui prenaient contrôle sur son corps. Il serrait des paupières contenant des gémissements qui glisseraient de sa bouche. Le blond n’était plus capable de discerner ses propres pensées. Il avait l’impression d’être coincé dans un de ses cauchemars où tout semblait n’être qu’une simple illusion à ses yeux,les habitants de l’ombre ne pouvaient pas même supporter un seul contact avec la cire, alors qui serait venu chez lui pour s’emparer de ses bougies ?
Soudain, un frisson plus violent que les autres parcourut sa colonne vertébral et il ne sentit plus aucune once de ténèbre sur sa cire, La créature de l’ombre venait d’éteindre la flamme de la bougie, engouffrant la capitale dans les abysses d’une profonde et nouvelle nuit et Yuta eut enfin retrouvé une partie de sa liberté que l’on lui avait dérobée il y a quelques instants.
La salle fut soudainement plongée dans l’obscurité, il ne restait que la lumière des écrans pour distinguer faiblement les visages de chaque universitaire qui, pétrifiés, avaient la tête tournée aux immenses baies vitrées. Un Tokyo illuminé d’étoiles s’était dévoilé à leurs yeux. Mais devant ce paysage nocturne qui s’étendait face à eux, ils ne ressentaient que de la crainte et de la peur. Le soleil ne pouvait pas se coucher à deux heures de l’après-midi, c’était quelque chose d’impossible qui pouvait se passer au pays du soleil levant.
Yuta s’était faufilé dans le noir à la recherche d’une proche sortie pendant qu’un brouhaha avait éclaté dans l’amphithéâtre. Lorsqu’il se trouva enfin dans les couloirs, il ne perdit pas une seconde de plus et pressa ses pas jusqu’à sentir l’air manquer à sa cage thoracique. Un sentiment d’inquiétude et de honte venait de plus en plus l’alourdir dans sa course à travers ce gigantesque labyrinthe, il se souvenait encore de toutes ces expressions pétrifiées qu’il avait discernées dans les ténèbres, à ces pleurs qui avaient frappé ses tympans et à ces cris de panique ayant brisé le silence de l’amphithéâtre. Il pensait à toutes ces âmes qu’il dût délaisser à contrecœur.
Au moment où il eut posé un pied à l’extérieur de l’université, il sut aussitôt qu’il n’était pas coincé dans un de ses cauchemars, que même ce ciel qu’il venait peindre chaque jour de constellations avait un aspect menaçant malgré toutes les étoiles qui continuaient à lui rendre des sourires. Son corps s’était figé devant l’immense chaos qui avait pris possession des grandes avenues de la capitale, il ne voyait que des visages apeurés errant sur les trottoirs. Des enfants criaient à l’aide, les joues inondées de larmes, suppliant dans le vide qu’on retrouve leurs parents. Des personnes aux yeux injectés de sang erraient sur les routes, se laissant perdre sous les effets de l’ivresse et de drogues illégales. Des litres d’alcool coulaient à flot dans leurs veines, des rires glaçants s’échappaient de leurs lèvres souillées par toutes ces étranges substances qu’ils consommaient. Certains en étaient si affectés que la violence commençait doucement à se percevoir à travers leurs gestes. Des sirènes d’ambulances résonnaient à chaque coin de rue, des centres commerciaux n’étaient que des ruines sanglantes et les gratte- ciels n’avaient que leurs vitrines brisées pour retenir les bourrasques de vent.
Des tapis de cadavres jonchaient aux pieds de Yuta, des centaines de corps inertes étaient éparpillés sur les passages piétons de la ville, tous dépourvus de cette vie que la lumière leur avait donnée. Ses baskets se frayaient un chemin entre les carcasses humaines et celles de véhicules carbonisés et un mélange de sang, d’essence et de cannabis sillonnait autour de ses narines, lui faisant retourner l’estomac.
Yuta souhaitait juste s’enfuir de ce mauvais rêve, en à peine quelques minutes, le Japon était tombé dans un gouffre sans fin et il était le seul à pouvoir le relever. Mais malheureusement, il aurait dû s’apercevoir plus tôt que la créature des ténèbres rendrait sa tâche bien plus compliquée, le temps commençait dangereusement à le rattraper. L’inconnu qui détenait ses bougies avait le pouvoir d'accélérer le temps comme bon lui semblait, sans que personne puisse le déranger.
Le blond ne put cligner une seconde fois ses paupières pour être sûr que sa montre n’était pas déréglée que son visage rencontra le goudron froid. Ses jambes l’avaient abandonné, ses vêtements s’imprégnaient d’un liquide transparent et la surface rugueuse du sol venait griffonner ses joues couvertes d’étoiles, une aiguille transperçait une de ses bougies. Son corps tout entier se tortillait sous cette torture qui lui arrachait des cris de souffrance. Il avait l’impression que ses côtes se briseraient à tout moment.
Il sentit des lettres se former dans la bougie, qu’un message s’écrivait sous la pointe de la lame bien aiguisée. Il tenta tant bien que mal de se distinguer les mots qui s’imprimaient dans la cire même si des épines invisibles venaient profondément transpercer chaque os de sa cage thoracique.
« Retrouvons-nous dans le parc Shinjuku-Gyoen quand le loup aura englouti la pleine lune. »
-
Le portail du jardin tremblait sous le poids de Yuta qui avait fermement agrippé ses barreaux. D’un bond, il se retrouva au-dessus cette gigantesque porte de fer lui ayant fait obstacle auparavant et sauta le vide d’herbes se trouvant à quelques mètres de ses pieds. Le parc était fermé à cette heure- ci, pas même un chat rôdait dans cet espace vert gardé prisonnier de nuit. Son souffle s’éradiquait de ses poumons et la semelle de ses chaussures balayait le gazon fraîchement tondu.
Le blond traversait le parc, courant en dépit de ses jambes meurtries puis s’engouffra dans une vaste forêt de cerisiers d’hiver. Un plafond de pétales, bleutées par l’obscurité de la nuit enveloppait le ciel et des branches s’accrochaient désespérément à la laine de son pull rouge. Son corps tout entier bouillonnait à l’intérieur de ses vêtements malgré le vent qui griffait ses pommettes.
Ses pas l’emmenèrent rapidement à un endroit où la nature n’eut plus aucun pouvoir, où même le tronc des arbres était maculé d’un liquide noir et visqueux. Ses yeux s’étaient posés sur une fontaine luisant avec la lumière de la lune. La statue d’un loup se trouvait au milieu de l’eau, la tête levée au ciel et la gueule grande ouverte. Les pointes de ses griffes étaient taillées dans la pierre et chaque poil de son pelage brillait dans le noir.
Yuta n’était seulement qu’à quelques centimètres de ses bougies et pourtant, il ne pouvait pas les toucher car elles étaient encore tapies dans l’ombre. Un sentiment d’insécurité grandissait en lui,
Et il ne fut pas au bout de ses surprises. Les deux aiguilles de sa montre n’avaient pu suivre davantage les minutes qui continuaient d’accélérer que le verre qui englobait leur cadran s’était brisé en morceaux. Un fragment de verre vint atterrir près de son pied et une gouttelette de sang esquissa un chemin le long de son bras.
Sa vision se couvrait de traces sombres et les picotements sur son bras devenaient de plus en plus insupportables. Il sentait qu’il n’était plus maître de lui-même, il s’était fait piégé par sa propre lumière et il lui était impossible d’échapper aux ronces qui l’empoisonnaient de l’intérieur. Son coeur se teignait d’obscurité. Des larmes violacées ruisselaient de ses yeux, venant tâcher son pull ainsi que son visage de porcelaine. Le sang qui coulait de son poignet avait pris une étrange teinte jaune et les gouttes de sueur qui perlaient de son front teignait sa chevelure pâle d’un turquoise vif. Son organisme ne cessait de s’affaiblir, un seul fil retenait l’entièreté de son corps.
Quand le cadran de sa montre fissurée freina brusquement sa course à vingt-trois heures cinquante-six, il se laissa porter par les vagues d’ombres qui submergeaient son organisme tout entier puis finit par crouler entre les fleurs de cerisiers se trouvant à ses pieds, son corps étant presque vidé de toute son énergie.
Mais avant que sa tête ne heurte le sol de pétales à ses pieds, quelqu’un le rattrapa dans sa chute.
Malgré ses yeux embuées de larmes, le blond distingua faiblement deux rubis qui scintillaient à travers l’obscurité. Une main survolait délicatement chaque parcelle de son épiderme, effleurant du bout des doigts chaque flocon ambré qui embellissait ses joues tandis qu’une autre main agrippait fermement sa hanche. Des bras maintenaient le bas de son dos et un souffle glacé fouetta la griffure ensanglantée qui ornait son visage. La douceur de ces gestes le rendait fébrile. Jamais il n’avait eu autant besoin de ce contact si apaisant, il avait l’impression d’avoir encore une chance de se réveiller de ce cauchemar.
C’était sa propre ombre qui l’avait sauvé de sa chute, il sentait son cœur battre contre le sien et la part d’insécurité qui avait grandit en lui avait tout à coup disparu.
Ils étaient différents mais étrangement liés, l’un représentait les rayons du soleil, l’autre, le fin-fond des ténèbres.
Seulement, Yuta était beaucoup trop affaibli pour se rendre compte qu’il s’était laissé hypnotisé par les gestes doucereux de sa moitié, que cette fausse étreinte l’avait fait tomber encore plus bas dans les abysses d’un monde obscur mais envoûtant. Son ombre avait une emprise sur lui depuis le début, c’était lui qui détenait ses bougies. Yuta avait trébuché entre ses filets et il n’avait plus aucun moyen de s’en échapper. Ses organes s’étaient noircis et un venin avait fini par obscurcir chacune de ses veines. Son ombre lui avait tout volé. Tout, sauf ses yeux pour pleurer face à son sort et celui de la Terre.
Quand toutes les horloges du Japon eurent sonné minuit, un voile brumeux vint soudainement l’aveugler et avant qu’il sombre dans l’inconscience, englouti par les ombres, Yuta entendit sa propre voix lui murmurer quelque chose au creux de son oreille.
« - On dirait que le loup a dévoré le petit chaperon rouge en ce soir de pleine lune. »
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