Dernière mise à jour : 25 sept. 2020
Une douce teinte orangée s’était emparée du ciel de Tokyo. Les derniers rayons du soleil venaient s’échouer contre les centaines de gratte-ciels qui surplombaient le centre de la capitale et les premières étoiles commençaient à orner cette mer d’horizon qui s’étendait sur le Japon. Les minutes ne cessaient de défiler et pourtant, le pays du soleil levant se laissait doucement emporté par les vagues d’un océan rose.
Une multitude de lumières artificielles provenant des affichages en LEDs illuminaient Tokyo et les yeux de ses habitants, la rendant plus vivante et plus animée même à l’heure du coucher de soleil. Des milliers de passants traversaient les avenues à pas de course, pressés de rentrer chez-eux à cause des températures hivernales qui chutaient. La nuit menaçait d’engloutir les rues les plus reculées du centre-ville et les immeubles se teignaient d’un noir profond, comme pour prévenir que le monde était sur le point de s’endormir.
Dans une de ces ruelles éloignées de toute once de lumière se trouvait un bâtiment, ses murs se dévêtaient de leur fine couche de peinture et certaines fenêtres laissaient la colère du vent saccager certaines pièces encore ouvertes au vent. Les couloirs étaient vidés de couleur, l’air étant trop glacial pour qu’un des locataires n’ose s’aventurer dans les corridors.
Plusieurs familles habitaient dans cet immeuble, tous demeuraient dans des appartements suffisamment bien chauffés, à l’abri du froid. Eux-aussi apportaient une sorte de chaleur entre les quatre murs du bâtiment. Cet immeuble pouvait avoir un aspect lugubre, sans vie, mais la multitude de fenêtres éclairées montrait que ses habitants étaient ses racines, que leur joie donnait un éclat à ces murs teintés d’ombres.
Sauf que personne ne savait réellement que la principale source de leur euphorie logeait dans le seul appartement se situant au dernier palier de l’immeuble.
C’était un jeune homme qui vivait à cet étage. Tout en tenant un petit bougeoir en verre entre ses doigts, il attendait impatiemment que la nuit s’empare de Tokyo, assis sur son lit. Il était comme hypnotisé par la mèche d’une bougie qui se consumait sous ses yeux, la flamme esquissait les traits de son visage parsemé de particules dorées ainsi qu’une partie de sa chevelure décolorée. La pâleur de sa peau laisserait croire qu’il était d’une fragilité sans nom et que son épiderme était aussi délicate que de la porcelaine.
Son regard suivait le chemin d’une goutte qui glissait le long de la bougie, ayant fini par disparaître au fond du bougeoir dans les restes de cire encore liquides. Ses mains devenaient de plus en plus sensibles à la chaleur qu’il gardait entre ses paumes et un feu transparaissait dans ses iris bleutées.
C’était bientôt l’heure pour Yuta Nakamoto de bercer toutes les âmes de cette Terre dans les ténèbres.
Ses voisins le connaissaient comme le garçon solitaire de l’immeuble qui n’hésitait jamais une seconde pour aider ses prochains. Tout le monde l’appréciait pour sa gentillesse et générosité. Certains pensaient même qu’un ange sommeillerait en lui. Mais personne ne savait réellement ce qu’était Yuta, de ce qu’il faisait quand Tokyo se noyait sous une mer de crépuscule.
Chaque jour, le blond allumait la mèche d’une de ses précieuses bougies pour préserver une harmonie sur Terre. Il avait le contrôle sur le jour et la nuit grâce à elles. Il était lié à ses bougies, elles étaient la lampe de cette planète, ainsi que la sienne, qu’elles soient à quelques millimètres de lui ou à des centaines de kilomètres, il les sentait brûler. Lorsque leur mèche finissait de s’embraser, un voile sombre venait recouvrir une partie du globe et quand la cire était en train de fondre, le ciel se décolorait de l’obscurité.
Pour que la lune reste connectée avec le soleil, celui-ci devait survoler les cieux le quart d’une journée. Si en vingt-quatre heures, le soleil ne parvenait pas aux six heures qui marquaient son équilibre avec le satellite, les ombres se nourriraient de sa faiblesse et la Terre serait à jamais anéantie. Plus il s’approcherait de la fin du décompte, plus il se ferait aimanter par les créatures de l’ombre.
Sa montre indiqua qu’il devrait bientôt éteindre une part de cette planète. En jetant un dernier coup d’œil à sa fenêtre, Yuta admira une dernière fois cet immense tableau rose qu’il allait peindre de noir. Ses yeux se mirent à scintiller quand son regard eut croisé celui de plusieurs étoiles perdues dans le ciel, le blond allait maintenant accomplir sa tâche. Il approcha son visage de la mèche brûlante et une agréable chaleur vint s’échouer contre ses pommettes étoilées. Il prit une grande inspiration puis dans un souffle lent, la flamme disparut sous une épaisse fumée, au même instant que le Japon sous les lueurs de la pleine lune et le feu qui brûlait à l’intérieur de son organisme.
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Dans un des amphithéâtres d’une prestigieuse université de Tokyo, des étudiants en droit était en train de noter sur leur ordinateur ce qu’un professeur leur récitait à travers un micro. Le silence de la salle était pesant mais masqué par le son des touches que chaque universitaire tapait à vitesse constante, tous s’appliquaient, focalisés sur leur écran, à pianoter sur leur clavier les explications du professeur.
Pendant que celui-ci était occupé à finir son cours, les yeux du blond s’étaient glissés vers l’horloge numérique de son ordinateur puis vers le cadran de sa montre. Il était treize heures cinquante-six. Puis qu’aujourd’hui, il avait allumé sa bougie à huit heures pile, il ne lui restait que quatre minutes pour atteindre le nombre d’heures auquel il devait y parvenir. Même s’il était l’unique personne qui connaissait l’existence de ces bougies, il devait rester attentif aux minutes qui défilaient. Si des Tokyotes venaient à s’apercevoir qu’il détenait le contrôle de la lumière ainsi que de l’obscurité, certains individus tenteraient de s’en emparer. Une seule erreur d’inattention pourrait entraîner la Terre dans sa destruction.
Alors qu’il s’apprêtait à sauvegarder son texte, le blond remarqua quelque chose auquel il n’avait guère fait attention auparavant. Il dût refermer plusieurs fois ses paupières avant de se rendre compte que l’ombre de son poignet par-dessus son clavier avait totalement disparu. Une goutte de sueur longea sa tempe et ne comprenant pas ce qui lui arrivait, il stoppa tout mouvement, de peur qu’il se fasse remarquer.
Lorsque l’horloge eut atteint quatorze heures cinquante-sept, ses mains se figèrent instantanément sur les touches de son ordinateur portable. Ses doigts écrasaient si fort les touches de son clavier que des dizaines de messages d’erreurs s’affichèrent sur son écran.
Le blond sentait les mains d’une âme dénuée de lumière sur ses bougies. Il peina à avaler sa salive et une douleur insurmontable transperça l’intégralité de son corps, comme si des couteaux s’enfonçaient lentement dans son épiderme laiteuse. Des décharges électriques glaçaient son organisme tout entier à chaque fois que la personne frôlait la cire de ses doigts. Ses mains se cramponnèrent désespérément à ses cuisses et il planta ses ongles dans le tissu de son jean. Il était devenu une poupée vaudou entre les mains d’un inconnu qui s’amusait à lui faire ressentir une souffrance qu’aucun autre humain n’arrivait à endurer.
Il espérait qu’aucun étudiant dans la salle était en train de le dévisager, jamais Yuta n’aurait autant souhaité rayer son existence de la surface de cette planète. Il n’avait aucune échappatoire pour fuir ces spasmes qui prenaient contrôle sur son corps. Il serrait des paupières contenant des gémissements qui glisseraient de sa bouche. Le blond n’était plus capable de discerner ses propres pensées. Il avait l’impression d’être coincé dans un de ses cauchemars où tout semblait n’être qu’une simple illusion à ses yeux,les habitants de l’ombre ne pouvaient pas même supporter un seul contact avec la cire, alors qui serait venu chez lui pour s’emparer de ses bougies ?
Soudain, un frisson plus violent que les autres parcourut sa colonne vertébral et il ne sentit plus aucune once de ténèbre sur sa cire, La créature de l’ombre venait d’éteindre la flamme de la bougie, engouffrant la capitale dans les abysses d’une profonde et nouvelle nuit et Yuta eut enfin retrouvé une partie de sa liberté que l’on lui avait dérobée il y a quelques instants.
La salle fut soudainement plongée dans l’obscurité, il ne restait que la lumière des écrans pour distinguer faiblement les visages de chaque universitaire qui, pétrifiés, avaient la tête tournée aux immenses baies vitrées. Un Tokyo illuminé d’étoiles s’était dévoilé à leurs yeux. Mais devant ce paysage nocturne qui s’étendait face à eux, ils ne ressentaient que de la crainte et de la peur. Le soleil ne pouvait pas se coucher à deux heures de l’après-midi, c’était quelque chose d’impossible qui pouvait se passer au pays du soleil levant.
Yuta s’était faufilé dans le noir à la recherche d’une proche sortie pendant qu’un brouhaha avait éclaté dans l’amphithéâtre. Lorsqu’il se trouva enfin dans les couloirs, il ne perdit pas une seconde de plus et pressa ses pas jusqu’à sentir l’air manquer à sa cage thoracique. Un sentiment d’inquiétude et de honte venait de plus en plus l’alourdir dans sa course à travers ce gigantesque labyrinthe, il se souvenait encore de toutes ces expressions pétrifiées qu’il avait discernées dans les ténèbres, à ces pleurs qui avaient frappé ses tympans et à ces cris de panique ayant brisé le silence de l’amphithéâtre. Il pensait à toutes ces âmes qu’il dût délaisser à contrecœur.
Au moment où il eut posé un pied à l’extérieur de l’université, il sut aussitôt qu’il n’était pas coincé dans un de ses cauchemars, que même ce ciel qu’il venait peindre chaque jour de constellations avait un aspect menaçant malgré toutes les étoiles qui continuaient à lui rendre des sourires. Son corps s’était figé devant l’immense chaos qui avait pris possession des grandes avenues de la capitale, il ne voyait que des visages apeurés errant sur les trottoirs. Des enfants criaient à l’aide, les joues inondées de larmes, suppliant dans le vide qu’on retrouve leurs parents. Des personnes aux yeux injectés de sang erraient sur les routes, se laissant perdre sous les effets de l’ivresse et de drogues illégales. Des litres d’alcool coulaient à flot dans leurs veines, des rires glaçants s’échappaient de leurs lèvres souillées par toutes ces étranges substances qu’ils consommaient. Certains en étaient si affectés que la violence commençait doucement à se percevoir à travers leurs gestes. Des sirènes d’ambulances résonnaient à chaque coin de rue, des centres commerciaux n’étaient que des ruines sanglantes et les gratte- ciels n’avaient que leurs vitrines brisées pour retenir les bourrasques de vent.
Des tapis de cadavres jonchaient aux pieds de Yuta, des centaines de corps inertes étaient éparpillés sur les passages piétons de la ville, tous dépourvus de cette vie que la lumière leur avait donnée. Ses baskets se frayaient un chemin entre les carcasses humaines et celles de véhicules carbonisés et un mélange de sang, d’essence et de cannabis sillonnait autour de ses narines, lui faisant retourner l’estomac.
Yuta souhaitait juste s’enfuir de ce mauvais rêve, en à peine quelques minutes, le Japon était tombé dans un gouffre sans fin et il était le seul à pouvoir le relever. Mais malheureusement, il aurait dû s’apercevoir plus tôt que la créature des ténèbres rendrait sa tâche bien plus compliquée, le temps commençait dangereusement à le rattraper. L’inconnu qui détenait ses bougies avait le pouvoir d'accélérer le temps comme bon lui semblait, sans que personne puisse le déranger.
Le blond ne put cligner une seconde fois ses paupières pour être sûr que sa montre n’était pas déréglée que son visage rencontra le goudron froid. Ses jambes l’avaient abandonné, ses vêtements s’imprégnaient d’un liquide transparent et la surface rugueuse du sol venait griffonner ses joues couvertes d’étoiles, une aiguille transperçait une de ses bougies. Son corps tout entier se tortillait sous cette torture qui lui arrachait des cris de souffrance. Il avait l’impression que ses côtes se briseraient à tout moment.
Il sentit des lettres se former dans la bougie, qu’un message s’écrivait sous la pointe de la lame bien aiguisée. Il tenta tant bien que mal de se distinguer les mots qui s’imprimaient dans la cire même si des épines invisibles venaient profondément transpercer chaque os de sa cage thoracique.
« Retrouvons-nous dans le parc Shinjuku-Gyoen quand le loup aura englouti la pleine lune. »
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Le portail du jardin tremblait sous le poids de Yuta qui avait fermement agrippé ses barreaux. D’un bond, il se retrouva au-dessus cette gigantesque porte de fer lui ayant fait obstacle auparavant et sauta le vide d’herbes se trouvant à quelques mètres de ses pieds. Le parc était fermé à cette heure- ci, pas même un chat rôdait dans cet espace vert gardé prisonnier de nuit. Son souffle s’éradiquait de ses poumons et la semelle de ses chaussures balayait le gazon fraîchement tondu.
Le blond traversait le parc, courant en dépit de ses jambes meurtries puis s’engouffra dans une vaste forêt de cerisiers d’hiver. Un plafond de pétales, bleutées par l’obscurité de la nuit enveloppait le ciel et des branches s’accrochaient désespérément à la laine de son pull rouge. Son corps tout entier bouillonnait à l’intérieur de ses vêtements malgré le vent qui griffait ses pommettes.
Ses pas l’emmenèrent rapidement à un endroit où la nature n’eut plus aucun pouvoir, où même le tronc des arbres était maculé d’un liquide noir et visqueux. Ses yeux s’étaient posés sur une fontaine luisant avec la lumière de la lune. La statue d’un loup se trouvait au milieu de l’eau, la tête levée au ciel et la gueule grande ouverte. Les pointes de ses griffes étaient taillées dans la pierre et chaque poil de son pelage brillait dans le noir.
Yuta n’était seulement qu’à quelques centimètres de ses bougies et pourtant, il ne pouvait pas les toucher car elles étaient encore tapies dans l’ombre. Un sentiment d’insécurité grandissait en lui,
Et il ne fut pas au bout de ses surprises. Les deux aiguilles de sa montre n’avaient pu suivre davantage les minutes qui continuaient d’accélérer que le verre qui englobait leur cadran s’était brisé en morceaux. Un fragment de verre vint atterrir près de son pied et une gouttelette de sang esquissa un chemin le long de son bras.
Sa vision se couvrait de traces sombres et les picotements sur son bras devenaient de plus en plus insupportables. Il sentait qu’il n’était plus maître de lui-même, il s’était fait piégé par sa propre lumière et il lui était impossible d’échapper aux ronces qui l’empoisonnaient de l’intérieur. Son coeur se teignait d’obscurité. Des larmes violacées ruisselaient de ses yeux, venant tâcher son pull ainsi que son visage de porcelaine. Le sang qui coulait de son poignet avait pris une étrange teinte jaune et les gouttes de sueur qui perlaient de son front teignait sa chevelure pâle d’un turquoise vif. Son organisme ne cessait de s’affaiblir, un seul fil retenait l’entièreté de son corps.
Quand le cadran de sa montre fissurée freina brusquement sa course à vingt-trois heures cinquante-six, il se laissa porter par les vagues d’ombres qui submergeaient son organisme tout entier puis finit par crouler entre les fleurs de cerisiers se trouvant à ses pieds, son corps étant presque vidé de toute son énergie.
Mais avant que sa tête ne heurte le sol de pétales à ses pieds, quelqu’un le rattrapa dans sa chute.
Malgré ses yeux embuées de larmes, le blond distingua faiblement deux rubis qui scintillaient à travers l’obscurité. Une main survolait délicatement chaque parcelle de son épiderme, effleurant du bout des doigts chaque flocon ambré qui embellissait ses joues tandis qu’une autre main agrippait fermement sa hanche. Des bras maintenaient le bas de son dos et un souffle glacé fouetta la griffure ensanglantée qui ornait son visage. La douceur de ces gestes le rendait fébrile. Jamais il n’avait eu autant besoin de ce contact si apaisant, il avait l’impression d’avoir encore une chance de se réveiller de ce cauchemar.
C’était sa propre ombre qui l’avait sauvé de sa chute, il sentait son cœur battre contre le sien et la part d’insécurité qui avait grandit en lui avait tout à coup disparu.
Ils étaient différents mais étrangement liés, l’un représentait les rayons du soleil, l’autre, le fin-fond des ténèbres.
Seulement, Yuta était beaucoup trop affaibli pour se rendre compte qu’il s’était laissé hypnotisé par les gestes doucereux de sa moitié, que cette fausse étreinte l’avait fait tomber encore plus bas dans les abysses d’un monde obscur mais envoûtant. Son ombre avait une emprise sur lui depuis le début, c’était lui qui détenait ses bougies. Yuta avait trébuché entre ses filets et il n’avait plus aucun moyen de s’en échapper. Ses organes s’étaient noircis et un venin avait fini par obscurcir chacune de ses veines. Son ombre lui avait tout volé. Tout, sauf ses yeux pour pleurer face à son sort et celui de la Terre.
Quand toutes les horloges du Japon eurent sonné minuit, un voile brumeux vint soudainement l’aveugler et avant qu’il sombre dans l’inconscience, englouti par les ombres, Yuta entendit sa propre voix lui murmurer quelque chose au creux de son oreille.
« - On dirait que le loup a dévoré le petit chaperon rouge en ce soir de pleine lune. »
Prix d'encouragement
Dernière mise à jour : 25 sept. 2020
Je fais partie de la majorité des gens qui vivent comme branchés à un circuit continu qui recommence tous les matins. Sincèrement, la monotonie m’agace fortement, mais je fais avec.
Ça vous est sûrement déjà arrivé de faire quelque chose sans vous en rendre compte, tellement vous aviez l’habitude de le faire. Eh bien moi ce n’est pas qu’une action, mais c’est ma vie toute entière.
Le moment où j’écris ces mots, je suis chez moi paisiblement assis sur ma chaise roulante à côté du canapé de mon salon. Mais à cause de vous je risque de me faire interner.
A vrai dire, je voulais en parler, et je ne pense pas qu’un psy pourrait faire quoique ce soit pour moi.
Malgré de nombreux entretiens, on ne m’avait proposé que du PROZAC et du DEROXAT. J’ai essayé, mais la vérité, c’est que ces médicaments n’ont fait que cacher le vrai problème derrière une bâche temporaire. C’était sans issue.
Rassurez-vous, je ne vais pas vous raconter une histoire dépourvue de tout intérêt. En fait, ça n’est pas forcément un aboutissement heureux ou malheureux, je vais juste vous raconter une “aventure“ l’aventure de ma vie.
Après avoir essayé toutes les techniques moralement correctes qui, entre nous, n’avaient pas fonctionné, je finis par désespérer. Alors je m’en remis aux antidépresseurs ce qui n’était pas la meilleure solution, mais je n’en avais plus.
Un jour, mon frère m’invita à sa fête d’anniversaire, à laquelle je n’avais pas participé depuis que nous avions douze ans. Je sentis en moi comme un sentiment de nervosité mélangé à une sorte d’exultation. J’étais heureux, sentiment que je n’avais pas ressenti depuis longtemps. Sans hésitation, je lui répondis que oui, j’allais venir. Le soir venu, je ne savais pas comment m’habiller. C’était d’ailleurs la première fois que je quittais mon vieux blaser gris taupe qui sentait le vieux et la transpiration. Bizarrement, je ne remarquais pas que depuis l’invitation je faisais plein d’actions qui ne m’étaient pas familières, mais qui pourtant me le paraissaient.
Vers vingt et une heures je sortis du motel dans lequel je vivais pour le moment, car en plus de ma lassitude j’étais fauché, accro au poker. Ce jeux dans lequel j’excellais. Mais un jour un homme me détrôna. J’avais perdu cinq mille dollars.
Je me trouvais maintenant devant l’endroit du rendez-vous. J’étais à l’heure mais la musique avait déjà commencé. Je n’attendis pas plus de dix secondes avant que mon frère ne m’ouvre la porte. Il me complimenta sur mon t-shirt que j’avais finalement décidé de mettre, qui était en fait mon pyjama.
A l’intérieur, il me serait très facile de décrire les décorations de très mauvais goût. Au moins il faisait chaud. Plus le temps passait plus la salle se remplissait. À la fin nous étions plus de trente dans une pièce de vingt-cinq mètres carré. Au milieu de la soirée un mec me proposa une bière, j’eus un instant de doute mais le boxer dessus avait comme l’air de vouloir m’inciter, alors je bus, même un peu trop. Désormais je ne voyais plus que de vagues lumières, à la place des lanternes moches qui ornaient le plafond. Le fait de perdre le contrôle me paraissait agréable mais insatisfaisant et énervant car on perd la maîtrise de son corps. J’essayais de paraître le plus sobre possible.
Bien qu’on soit au troisième étage il me vint bizarrement une envie de sortir par la fenêtre. J’ouvris l’un des battants, enjambai le rebord et me préparai pour l’envol. C’est alors que mon frère me retint le bras, hurlant que je devais descendre. Me retournant, dos à la vitre je le regardai dans les yeux, installant un sorte de malaise fondu dans son visage ébahi. J’enlevai sa main de mon bras et me laissai tomber en arrière dans le vide.
En me retournant, j’ouvris les bras, persuadé de pouvoir voler. J’étais maintenant à un mètre du goudron quand des ailes sortirent de mon dos, déchirant mon t-shirt et me permettant de planer au-dessus des arbres de Yellowstone.
Stupéfait, je levai la tête par-dessus mes épaules pour apercevoir une paire d’ailes de pygargue d’à peu près deux mètres de long qui battaient sur commande. La vue depuis là- haut était sublime, les lampadaires du parc me permettaient d’apercevoir les cimes sombres des arbres pour les éviter. Le vent frais qui longeait mon corps et sifflait dans mes oreilles me paressait pour une fois exquis. J’avais oublié tous mes problèmes, ma routine. Un moment extraordinaire !!!
Mais tout bon moment a une fin, malheureusement. Une feuille de platane me masqua la vue, me laissant assez de temps pour percuter une branche et me retrouver à terre.
J’avais très mal aux côtes, aux pieds et à la hanche. Je m’évanouis.
- Nicolas… Nicolas ! T’as fais une sacrée chute. Ça va ?
J’ouvris les yeux et la lumière des lampions m’éblouit. Les feux rouges et bleus tournoyaient, sûrement ceux de l’ambulance. Quand mes yeux furent habitués, j'aperçus le visage de mon frère. Il était pareil à celui qu'il avait avant que je prenne mon envol. Je lui souris. L’air étonné il me proposa de me relever, mais impossible mes jambes ne répondaient plus.
Une fois dans l’ambulance, je voulus vérifier si mes ailes étaient toujours dans mon dos, mais non, les belles ailes que j’avais avant, n’y étaient plus. Il n’y avait même pas de trous dans mon t-shirt. Les doigts croisés, posés sur mon ventre, je regardai le plafond.
« Quelle soirée » me dis-je en repensant au vol de tout à l’heure.
Quand je voulus me toucher la tête, je sentis une brindille, qui, une fois retirée s’avéra être une plume, preuve ou coïncidence, à vous de le me le dire.
FIN
Prix d'originalité
Dernière mise à jour : 25 sept. 2020
En se réveillant ce matin-là, Georges réalisa qu’il n’était pas dans son état normal. Il était tout fripé comme s’il sortait d’un long bain.
C’était un jeudi, jour d’école, mais il n’avait pas envie d’y aller. Il sentait que quelque chose de bizarre s’était passé la veille. Il arriva en classe un peu endormi alors qu’il avait ce jour-là un cours de dessin. Le professeur leur donna comme thème : « le monde sous-marin ». La plupart des élèves commençaient à dessiner mais la feuille de Georges demeurait blanche. Georges fixait le mur de la classe, hébété mais aucune inspiration ne lui venait. Pour finir il griffonna rapidement un simple dauphin puis se replongea dans ses pensées. Quand il regarda l’horloge, il vit que cela ne faisait qu’une heure qu’il travaillait. Le temps ne s’était pas écoulé aussi vite qu’il l’aurait voulu. Quelques instants plus tard, il regarda à nouveau l’horloge et constata que les aiguilles n’avaient pas bougé. Il se dit qu’il fallait signaler cette anomalie. Il se retourna vers le bureau de son professeur mais il n’y avait personne. Il pensa qu’il était parti faire des photocopies. C’est alors que Georges réalisa qu’il n’y avait plus aucun bruit dans la classe. Il se retourna à nouveau et vit la classe vide. Il regarda à nouveau l’horloge et se sentit soudain attiré par cet objet. Les aiguilles commençaient à tourner et tournèrent de plus en plus vite jusqu’à ce qu’il ne voie que du noir.
Il reprit conscience dans le bus qui s’arrêta devant chez lui. Il en descendit et ouvrit la porte de la maison. Dans sa chambre, toujours préoccupé par ce qu’il venait de vivre, il pensa qu’un bon bain pourrait l’aider à se détendre.
En attendant que la baignoire se remplisse, il accrocha son dessin sur sa porte. Enfin, il entra dans un bain chaud et agréable et put enfin commencer à rêvasser. Il se remémorait sa journée quand il sentit quelque chose qui venait du fond de sa baignoire. Il s’en rapprocha et soudainement se fit aspirer dans les tuyaux d’évacuation. Minutes après minutes il perdait de l’oxygène et peinait à respirer. Il se retrouva, paniqué, dans un immense liquide bleu foncé sans fond. Il ne voyait rien autour de lui et la terreur l’envahissait de plus en plus. Lui qui avait toujours eu peur de se noyer, il essaya, dans un dernier geste, de remonter à la surface et n’y arrivant pas, il abandonna et se laissa à nouveau couler.
Tout à coup il se rendit compte qu’il pouvait respirer même s’il était au fond de l’océan. Il rouvrit les yeux, prit une grande bouffée d’air et regarda autour de lui un peu plus rassuré. A ce moment, droit devant lui, il aperçut une masse noire non identifiée. Apeuré, il réalisa que cette forme s’approchait de lui. Tétanisé, il regarda cette ombre s’approcher mais, en la regardant de plus près, il réalisa qu’il s’agissait du dauphin qu’il avait dessiné le matin-même à l’école. Sachant que ces mammifères ne sont pas dangereux, il commença à se calmer.
Georges se sentit à nouveau aspiré par le fond. Il était lourd, très lourd. Une décharge électrique le ramena dans la baignoire où il s’était endormi. Il sortit de son bain qui était froid. En allant dans sa chambre il vit sur la feuille accrochée sur sa porte que le dauphin avait disparu. Seule une feuille bleue sombre demeurait. Cela lui rappelait un vague souvenir, mais rien de plus précis.
Le lendemain était un jeudi et il se réveilla un peu troublé. Il avait la peau fripée comme s’il avait pris un très long bain. Il alla à l’école et se souvint qu’il avait le dessin ce jour-là. Le professeur avait choisi comme thème « les animaux sous-marins ». Cette fois, inspiré, il fut le premier à commencer son dessin.