« Nul ne connait l’impact qu’aura demain sa parole d’aujourd’hui ».
Dans un temps difficile à situer, mais peut-être pas si lointain de nous et dans un pays comme un autre de notre monde, un peuple vivait sous la contrainte de règles et de coutumes transmises depuis tellement longtemps que personne ne savait vraiment si elles avaient été inventées un jour ou si elles régnaient depuis toujours. Selon ces règles notamment, les enfants n’étaient pas autorisés à avoir le moindre contact avec le sexe opposé et ce jusqu’à leur mariage, celui-ci étant en plus presque toujours arrangé par les familles elles-mêmes suivant leur propre intérêt et contrariaient bien des élans amoureux qui subsistaient malgré tous les interdits chez les jeunes gens. Les enfants et les adolescents n’y avaient aucun droit, et pour ainsi dire « pas voix au chapitre ». Toute protestation, toute contestation étaient interdites, la seule expression même d’une opinion leur était impossible sous peine de lourdes représailles qui pouvaient aller de « simples » coups de fouet jusqu’à l’exil forcé selon la gravité des faits. Le sort des femmes n’était guère plus enviable et leurs rôles se résumaient à enfanter et tenir la maison. Elles étaient ainsi, et depuis le plus jeune âge, conditionnées, à l’obéissance et leur « éducation » se résumait aux arts de la tables et de l’entretien. Toute lecture, toute activité artistique ou culturelle leur était interdite, et si l’une d’entre elles était surprise à compter, même sur ses doigts, les châtiments qui leur étaient infligés étaient terribles. Pour dire les choses simplement, elles n’étaient aux yeux de cette société pas beaucoup plus que des objets. Art, culture, savoirs, politique, sports étaient réservés aux hommes, considérés comme des êtres supérieurs. Ils étaient les seuls à pouvoir travailler, à pouvoir posséder une maison, des terres ou des biens et à recevoir une éducation complète. En un mot, et à l’inverse des femmes, tout leur était permis, tout leur était du.
Seulement, au cœur de cette lugubre civilisation, une adolescente commençait à se démarquer. Elle remettait ouvertement en question les coutumes et la religion. Du haut de ses tout juste treize ans, elle était en fait la seule véritable opposante aux règles moyenâgeuses de la société dans laquelle, disait-elle, elle avait eu « le malheur de naître ». Elle avait, depuis le plus jeune âge, l’intuition que toute cela n’était pas naturel et que cet irrespect des femmes, ne devait pas exister depuis toujours. Elle proclamait souvent haut et fort qu’elle ne se marierait qu’avec l’homme de ses rêves et que son cœur aurait choisi. Elle s’appelait Eleanor et n’échappait aux coups de fouet et à l’exile que parce qu’elle était la fille de l’un des hommes les plus importants de la région.
Le temps passant, ses parents devenaient de plus en plus stricts, tellement stricts qu’elle n’avait quasiment plus le droit de sortir ce qu’elle continuait de faire en cachette. C’est ainsi que sa vie avait commencé à se rythmer plus par rapport à la nuit qu’au jour.
C’est lors de l’une de ces sorties nocturnes qu’elle entrevit, dans le parc de la maison de ses parents, l’ombre d’un homme. Décidant d’aller à sa rencontre, elle se retrouva soudain nez à nez avec un jeune garçon d’à peu près son âge. Devant la gentillesse de la jeune fille, celui-ci avoua bien vite qu’il était venu pour essayer de voler un objet de grande valeur détenu par cette puissante famille pour sauver sa mère, tombée dans la misère depuis la mort de son père. C’est ainsi qu’elle apprit que sa famille était détentrice d’un objet des plus précieux qui permettait, disait-il, de remonter dans le temps. Elle comprit aussi que c’était à cause des règles sexistes de la communauté que le jeune homme en était réduit à voler. Malheureusement il ignorait l’emplacement précis de la relique.
A la suite de cette rencontre, ils commencèrent à se voir de plus en plus souvent. Après quelque temps, à force de chercher et de poser des questions, elle comprit enfin où pouvait se cacher la pierre à remonter le temps. Un souvenir lui était revenu de quand elle était enfant et qu’elle s’était perdue dans les bois. Elle s’était alors retrouvée face une mine abandonnée, et quand ses parents l’avaient retrouvée ils avaient eu un air bien mystérieux en disant qu’ils ne savaient pas ce qu’il pouvait y avoir dans cette caverne. Pour en avoir le cœur net elle demanda à Leo, car c’était son nom, s'il accepterait de l’accompagner pour aller explorer cette mine revenue à sa mémoire. Il accepta sans hésitation.
Ils partirent le lendemain et il leur fallut peu de temps pour la retrouver. La mine était faiblement barricadée et un seul coup de pied leur ouvrit le passage. Ils se retrouvèrent bien vite dans le noir complet et ils firent quelques pas de plus à tâtons avant que le pied d'Eleanor heurte quelque chose. Comme elle ne pouvait pas voir ce que c’était elle se baissa et toucha quelque chose de froid. C’était une lanterne qu’ils allumèrent. Ils constatèrent alors qu’ils étaient entourés de rat mais continuèrent à avancer jusqu’à une porte qu’ils ouvrirent. Ils entrèrent dans une grand salle dans laquelle se trouvait une sorte de table sur laquelle, en son milieu, était posé un bijou. C’était l’autel qui leur permettrait de voyager dans le temps. Ils durent revenir plusieurs fois avant de comprendre comment utiliser le cristal mais c’est en lisant, en secret, un livre de vieille bibliothèque de sa famille - car Leo lui avait appris à lire entre temps – qu’elle comprit qui fallait attacher le cristal autour du cou et penser au nombre d’années ou de siècles qu’on voulait remonter.
A peine avait-elle attaché le pendentif à son coup qu’elle ressentit un choc immédiat et quand elle rouvrit les yeux, elle était dans un monde totalement diffèrent. Il n’y avait pas de maison ni aucun bâtiment, mais uniquement des tentes et des feux de camp. Elle comprit que le cristal l’avait fait voyager dans le temps bien loin en arrière, mais elle ne savait pas de combien d’années ou de siècles elle était remontée. Elle erra quelques temps et tomba sur une cabane isolée où vivait un vieil homme qui était en train de sculpter un collier. Il l’aperçut et lâcha un cri de stupeur :
-Dis- moi petite où as-tu trouvé ce pendentifs ? demanda posément le vieil homme.
-Je l’ai trouvée dans une sorte de grotte abandonnée ! s'exclama Eleanor.
C’est alors que le vieil homme comprit que la jeune fille qui se tenait en face de lui à cet instant venait du futur. Il l’invita à rester chez lui un petit moment et il posa énormément de questions. Eleanor comprit alors qu'elle se tenait en face du créateur du collier et elle lui demanda comment faire pour retourner dans la futur. Le vieil homme lui répondit que c'était impossible tant que la chose pour laquelle on était retournée dans le passé n’était pas réglée. Elle comprit bien vite cette chose dont il était question et demanda au vieil homme de lui parler de la façon dont les femmes étaient traitées dans ce temps. Il lui répondit qu’elles étaient simplement traitées comme les hommes, ni mieux, ni moins bien mais que des rumeurs disaient que le prochain roi serait sexiste. Elle comprit alors que c’était lui qui allait être à l’origine des traditions qui brimeraient les femmes dans l’époque future d’où elle venait et les empêcherait d’avoir les mêmes droits que les hommes. Eleanor se mit alors en tête de faire en sorte que le prochain roi apprécie les femmes à leur juste valeur.
Sa première mission serait de réussir à s’infiltrer au palais royal et pour cela elle se fit passer pour une prétendante au titre de reine car c’était justement le moment où le prince rencontrait toutes les prétendantes, la future reine étant ensuite sélectionnée au terme de plusieurs épreuves. Le jeune prince étant superficiel, il ne choisit au premier tour que les plus belles jeunes femmes dont Eleanor faisait partie. Elle allait donc être autorisée à participer aux sélections. On lui expliqua alors les règles, dont la principale était que le futur roi pouvait les congédier à tout moment et qu’elles n’avaient pas leur mot à dire, elles ne devaient pas non plus être méchantes envers leurs camarades. Plusieurs jours s’écoulèrent quand la réception officielle fut donnée où le futur roi allait rencontrer officiellement les finalistes du tournoi. Les domestiques donnèrent une robe magnifique à chaque candidate pour l’occasion.
Plusieurs semaines s’écoulèrent encore et Eleanor était toujours dans la course. Elle apprit à connaitre le prince et sut aussi pourquoi il détestait autant les femmes. Quand il était plus jeune sa mère avait trompé son père avec un autre homme et son père en était mort de chagrin. Sa mère n’avait alors rien fait pour réconforter son fils. Quand Eleanor l’apprit elle comprit que ce ne serait pas facile de le faire changer d’avis sur les femmes. Mais elle commençait à devenir très proche du prince et à l’apprécier sans oublier pour autant son principal objectif. Le prince semblait lui aussi beaucoup apprécier la jeune fille et peut-être bien vouloir se marier avec elle. Pendant ce temps, la sélection continuait de jours en jours. Mais si proche du but, Eleanor ne savait pas quoi faire car si, en cas de victoire, elle n’acceptait pas ce mariage, sa haine envers les femmes perdurait, et si à l'inverse elle restait elle ne pourrait jamais savoir si son plan avait réussi. Il ne restait maintenant que trois épreuves mais qui seraient décisives.
Quand les épreuves furent annoncée, Eleanor fut très confuse : la première était une épreuve de cuisine, la seconde une épreuve sportive et la troisième une épreuve intellectuelle. C’est alors qu’elle comprit quand elle vit le prince soupirer que le seul moyen de gagner vraiment son cœur était de gagner les trois dernières épreuves. Cependant, comme Eleanor vivait dans une époque où les femmes n’avait pas le droit de faire du sport ainsi que d’aller à l’école elle savait que c’était perdu d’avance. Le seul moyen qui lui restait pour convaincre le prince dans une ultime tentative était de lui montrer ce que son opinion des femmes entrainerait dans le futur lui dont le cœur était tellement noirci à cause de sa mère. Eleanor décida de le prendre à part et de lui expliquer pourquoi elle ne pourrait pas gagner, un peu par sa faute à travers le temps. Une fois elle et le prince seuls, elle pria pour que le collier s’active et lui permette de retourner dans le temps.
Soudain elle fut traversée par le même choc, le même vertige et en plus un fort mal de crâne. A son réveil, elle se trouvait dans la grotte mais il y avait un problème car elle ne voyait pas le prince. C’est quand elle se retourna qu’elle le vit dormir comme un petit bébé. Elle attendit son réveil, et l’emmena ensuite dans son village. Le prince vit de ses yeux toutes les horreurs qui étaient faites aux femmes ainsi que leur traitement dans la société, et prit alors conscience de tout ce qu’entrainerait dans le futur les décisions qu’il s’apprêtait à prendre dans son royaume.
Sur le collier magique qui leur servit à celer leur union au travers du temps on peut lire, gravé
« Nul ne connait l’impact qu’aura demain sa parole d’aujourd’hui ».
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