Sobre
Je fais partie de la majorité des gens qui vivent comme branchés à un circuit continu qui recommence tous les matins. Sincèrement, la monotonie m’agace fortement, mais je fais avec.
Ça vous est sûrement déjà arrivé de faire quelque chose sans vous en rendre compte, tellement vous aviez l’habitude de le faire. Eh bien moi ce n’est pas qu’une action, mais c’est ma vie toute entière.
Le moment où j’écris ces mots, je suis chez moi paisiblement assis sur ma chaise roulante à côté du canapé de mon salon. Mais à cause de vous je risque de me faire interner.
A vrai dire, je voulais en parler, et je ne pense pas qu’un psy pourrait faire quoique ce soit pour moi.
Malgré de nombreux entretiens, on ne m’avait proposé que du PROZAC et du DEROXAT. J’ai essayé, mais la vérité, c’est que ces médicaments n’ont fait que cacher le vrai problème derrière une bâche temporaire. C’était sans issue.
Rassurez-vous, je ne vais pas vous raconter une histoire dépourvue de tout intérêt. En fait, ça n’est pas forcément un aboutissement heureux ou malheureux, je vais juste vous raconter une “aventure“ l’aventure de ma vie.
Après avoir essayé toutes les techniques moralement correctes qui, entre nous, n’avaient pas fonctionné, je finis par désespérer. Alors je m’en remis aux antidépresseurs ce qui n’était pas la meilleure solution, mais je n’en avais plus.
Un jour, mon frère m’invita à sa fête d’anniversaire, à laquelle je n’avais pas participé depuis que nous avions douze ans. Je sentis en moi comme un sentiment de nervosité mélangé à une sorte d’exultation. J’étais heureux, sentiment que je n’avais pas ressenti depuis longtemps. Sans hésitation, je lui répondis que oui, j’allais venir. Le soir venu, je ne savais pas comment m’habiller. C’était d’ailleurs la première fois que je quittais mon vieux blaser gris taupe qui sentait le vieux et la transpiration. Bizarrement, je ne remarquais pas que depuis l’invitation je faisais plein d’actions qui ne m’étaient pas familières, mais qui pourtant me le paraissaient.
Vers vingt et une heures je sortis du motel dans lequel je vivais pour le moment, car en plus de ma lassitude j’étais fauché, accro au poker. Ce jeux dans lequel j’excellais. Mais un jour un homme me détrôna. J’avais perdu cinq mille dollars.
Je me trouvais maintenant devant l’endroit du rendez-vous. J’étais à l’heure mais la musique avait déjà commencé. Je n’attendis pas plus de dix secondes avant que mon frère ne m’ouvre la porte. Il me complimenta sur mon t-shirt que j’avais finalement décidé de mettre, qui était en fait mon pyjama.
A l’intérieur, il me serait très facile de décrire les décorations de très mauvais goût. Au moins il faisait chaud. Plus le temps passait plus la salle se remplissait. À la fin nous étions plus de trente dans une pièce de vingt-cinq mètres carré. Au milieu de la soirée un mec me proposa une bière, j’eus un instant de doute mais le boxer dessus avait comme l’air de vouloir m’inciter, alors je bus, même un peu trop. Désormais je ne voyais plus que de vagues lumières, à la place des lanternes moches qui ornaient le plafond. Le fait de perdre le contrôle me paraissait agréable mais insatisfaisant et énervant car on perd la maîtrise de son corps. J’essayais de paraître le plus sobre possible.
Bien qu’on soit au troisième étage il me vint bizarrement une envie de sortir par la fenêtre. J’ouvris l’un des battants, enjambai le rebord et me préparai pour l’envol. C’est alors que mon frère me retint le bras, hurlant que je devais descendre. Me retournant, dos à la vitre je le regardai dans les yeux, installant un sorte de malaise fondu dans son visage ébahi. J’enlevai sa main de mon bras et me laissai tomber en arrière dans le vide.
En me retournant, j’ouvris les bras, persuadé de pouvoir voler. J’étais maintenant à un mètre du goudron quand des ailes sortirent de mon dos, déchirant mon t-shirt et me permettant de planer au-dessus des arbres de Yellowstone.
Stupéfait, je levai la tête par-dessus mes épaules pour apercevoir une paire d’ailes de pygargue d’à peu près deux mètres de long qui battaient sur commande. La vue depuis là- haut était sublime, les lampadaires du parc me permettaient d’apercevoir les cimes sombres des arbres pour les éviter. Le vent frais qui longeait mon corps et sifflait dans mes oreilles me paressait pour une fois exquis. J’avais oublié tous mes problèmes, ma routine. Un moment extraordinaire !!!
Mais tout bon moment a une fin, malheureusement. Une feuille de platane me masqua la vue, me laissant assez de temps pour percuter une branche et me retrouver à terre.
J’avais très mal aux côtes, aux pieds et à la hanche. Je m’évanouis.
- Nicolas… Nicolas ! T’as fais une sacrée chute. Ça va ?
J’ouvris les yeux et la lumière des lampions m’éblouit. Les feux rouges et bleus tournoyaient, sûrement ceux de l’ambulance. Quand mes yeux furent habitués, j'aperçus le visage de mon frère. Il était pareil à celui qu'il avait avant que je prenne mon envol. Je lui souris. L’air étonné il me proposa de me relever, mais impossible mes jambes ne répondaient plus.
Une fois dans l’ambulance, je voulus vérifier si mes ailes étaient toujours dans mon dos, mais non, les belles ailes que j’avais avant, n’y étaient plus. Il n’y avait même pas de trous dans mon t-shirt. Les doigts croisés, posés sur mon ventre, je regardai le plafond.
« Quelle soirée » me dis-je en repensant au vol de tout à l’heure.
Quand je voulus me toucher la tête, je sentis une brindille, qui, une fois retirée s’avéra être une plume, preuve ou coïncidence, à vous de le me le dire.
FIN
Prix d'originalité